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PasserlHiverL'été n'est certainement pas la période idéale pour ouvrir un livre d'Olivier Adam. Mais durant cette saison estivale trois activités majeures sont bien connues. L'été, oui, on se crame la peau, puis le cœur, et enfin on en profite pour tenter un ultime « rattrapage littéraire ». Pour se retrouver sur une plage de sable fin avec Passer l'Hiver entre les mains, il faut être un brin cinglée et posséder une sacrée foi en l'espèce humaine. Si les premières lignes de ce recueil de nouvelles donnent immédiatement l'envie de se flinguer (« J'avais trop bu et Pialat était mort. », on a vu plus gai comme amorce !), les lignes à venir n'épargneront pas plus les âmes fragiles et sensibles. Avec sa flopée de personnages lessivés par les sales coups divers et variés de la vie (entre autres : la rupture, l'alcool, la famille, la maladie, le patron, le désamour...), Olivier Adam engendre « une sale gueule de bois » littéraire du côté du lecteur. On lit sans lire, on tourne les pages sans tourner les pages et ainsi de suite. L'hiver passe et enferme les âmes dans leurs rengaines quotidiennes. Le lecteur suit ces êtres égarés comme il suit du regard les passants dans la rue. Ceux qu'il observe avec mille et une questions en tête. Olivier Adam, avec une plume incroyable par son économie des mots et sa force émotionnel, lui livre réponse sur réponse sur ces inconnus dont on ne connait rien ou de ses ombres familières dont on croit tout connaître. Ces nouvelles, récits de quelques heures dans la vie de quelques communs des mortels, livrent des explications soignées que ce dédale imperceptible prénommée la vie ne prend jamais le temps de donner à quiconque.

 

Ce n'est pas un hasard si le nouvelliste hors pair s'inspire d'une chanson de Dominique A pour titrer et préfacer Passer l'Hiver. « Et dire que nous n'aurons même pas passé l'hiver », tragique constat pesant sur les frêles épaules de chacun. Au fil des pages, une sensation étrange se dégage de cet univers cotonneux, où tous somnolent dans une vie voleuse de destin. D'après eux, tôt ou tard tout sera foutu. Un couple sur le déclin, une caissière paumée, une famille soumise au décès du patriarche, une mère séparée de ses enfants pour Noël, tous les acteurs de ces nouvelles sombres mais jamais miséreuses sont croqués avec pudeur par l'écriture abrupte d'Olivier Adam. L'art de l'écrivain réside dans sa capacité à rédiger des destins brisés et abîmés par tant d'incertitudes quotidiennes, sans jamais les enfermer dans leur condition, en leur évitant toute forme d'écriture misérabiliste. Les neuf nouvelles de Passer l'Hiver ressemblent à un immeuble ou une zone pavillonnaire : derrière chacune des portes une histoire insoupçonnable agite un père, une mère ou un enfant. La vie les a à l'usure certainement, mais Olivier Adam écoute ses victimes avec une tendresse invisible, il amène son lecteur à en faire de même, un geste généreux qu'il ne doit pas souvent s'autoriser dans la réalité. Ainsi, les drames, les injustices, résonnent en chacun. Et si au début, la mort de Pialat s'avérait insupportable pour le héros de la première nouvelle et pour nous-mêmes, par la suite comme lui on s'y fait, on s'y adapte. Comme si on devait se faire à tout. On n'accepte pas, on ne se résigne pas pour autant, mais au fond une évidence se dévoile : il faut faire avec la vie. L'œil de l'écrivain apporte une once d'espoir dans les minces détails de ce tableau noir. Le sourire d'un gamin, une nuit d'hôtel avec un inconnu ou un verre d'alcool, peu importe la chose venant sauver les êtres, peu importe sa durée, du moment que l'espace d'un instant elle rappelle à chacun combien la vie vaut la peine d'être vécue.

 

Passer l'Hiver d'Olivier Adam (Éditions de l'Olivier, 2004)

Tag(s) : #Littérature
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