Mai : la princesse néo-folk venue du froid

Mai. Avouez que vous aimez ce joli mois. Les couleurs, l'odeur, les sourires du joli mois de mai figurent parmi les plus beaux de l'année. Moment à part dans l'année qui s'écoule, le mois de mai incarne ce glissement sensible de la noirceur hivernale vers les douces lumières des jours d'été. Ainsi la saveur particulière de ce mois printanier est le meilleur nom que la gracieuse Johanna Wedin et ses musiciens pouvaient se donner. Car à lui seul, il résume l'état d'esprit de leur univers musical singulier flânant avec beauté entre nos saisons et nos états d'âmes.

Lorsqu'elle débarque sur scène avec sa beauté diaphane et ses longs cheveux d'un blond nordique, on se dit que Johanna Wedin alias Mai doit être la cible de nombreuses convoitises et jalousies. Elle est de ses filles face auxquelles on reste muet(te). On est dans ce lieu pour la venue exceptionnelle de la folk américaine d'Emily Jane White et de ses odes sombres et bouleversantes, on est profondément impatient et d'une seul coup Mai réussit à nous voler notre impatience et même voler notre amour pour la douce Emily. On ne regarde plus qu'elle dorénavant, elle et ses chants venus d'un ailleurs mélancolique, ni trop gai, ni trop triste, un ailleurs où l'on est enfin apaisé pour l'éternité.

Mai vient d'ailleurs. Elle est suédoise. Quand elle s'arrête de chantonner et esquisse quelques mots tout timides à son public elle possède ce ravissant accent qu'ont les filles du nord. Un je ne sais quoi d'Anna Karina qui l'a rend de suite touchante. La jeune fille, montée sur des escarpins noirs, n'est pas bien grande, pas bien vieille. C'est au printemps 2007 que Johanna a quitté ses terres pour une arrivée remarquée dans la capitale de notre cher hexagone. Elle souhaite y faire de la musique et son voeu s'exaucera. À l'abri du monde, la jeune fille en fleur enregistre un premier album au charme touchant. « Still Need a kiss » est né. Dotée d'une force labyrinthique et gracieuse, cette première création impose un univers singulier qui n'appartient qu'à Mai. Délicieusement paisible et mélodieux, sans guitare rageuse ou chant agressif, Mai propose une folk aux charmes épurés qui séduira bon nombres d'oreilles musicales du tout Paname .

Pour la suite de l'aventure, Mai embarque avec elle un nouvel alter ego : Frédéric Fortuny. Elle au chant et aux instruments insolites, lui à la guitare et l'opus deux de Mai est lancé. Candide et prometteur, le duo collectionne les scènes et en profite pour aiguiser ses textes et ses musiques. Le résultat : cinq titres désarmants et rassurants. Le nouveau EP de Mai s'intitule Silent Seduction et saura sans aucun doute vous séduire aussi par sa folk vaporeuse et à contre-temps.

Au fil de ces cinq titres, Mai, telle une sirène des mers glaciales du grand nord, nous interpelle par sa voix à la pureté absolue et nous détourne avec malice du temps présent . Sa voix nous guide vers une autre sphère, celle de son monde aérien et onirique. Un zeste d'enfance, une poignée de mélancolie et le tour est joué. Charme enfantin (« Our ghost »), perdition dans des horizons nordiques aux bruits sauvages (« I did nothing »), histoire d'un autre temps (« In front of my mirror »), Silent Seduction est un véritable délice oscillant sans cesse entre joie et tristesse, grisaille et luminosité, un disque mélancolique mais jamais douloureux qui se conclut sur une jolie comptine. La reprise amusante d'un titre de Bob Dylan (« If you gotta go, go now ») transformé pour l'occasion en un « Si tu dois partir »  enfantin où Mai chante dans sa langue d'adoption, le français.

Le voyage au royaume de la pureté et du règne de la contemplation touche à sa fin... Et le concert hélas avec. Ce soir sur scène, le public aura vu, découvert pour une grande majorité, une énième chanteuse de folk. Pourtant en quittant la salle, il aura la certitude que cette jolie Mai n'est pas cette « énième » chanteuse de folk parmi tant d'autres. Elle vient d'un autre monde, peut-être même d'une autre époque. Avec son amour du passé et ses tenues au charme suranné, Mai est un véritable songe éveillé, une princesse néo-folk venu d'un ailleurs cotonneux et vaporeux, une contrée lointaine où l'on se sent protéger par les rêvasseries de ses mélodies.

« Our ghost » de Mai