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Petite ce type gagnait toute mon attention. Je le trouvais vieux. Un brin barré. Papa l'aimait ce qui le rendait encore plus suspect à mes yeux. Mais mes yeux pourtant ne pouvaient décoller de son torse de drogué. Le torse d'Iggy, ode à la vie a lui seul. Malmené par des années de rock et de drugs. Exhibé jusqu'à l'impudeur sur scène. Mais qu'importe les affres du temps, on n'a d'yeux que pour lui. Alors quand Iggy se rhabille. Écarte le rock de sa route et renoue avec des standards de la chanson française et américaine, que faire ? Critiquer, ironiser (comme pas mal au passage) ou « spleenner » en toute tranquillité avec lui...

 

Iggy crooner récidive

 

Naturellement, on opte pour le spleen et on raille les railleurs dont l'argument phare est d'accuser ce monstre du rock de « venir là où ça marche ». Si les ricains ne veulent plus du félin soixantenaire, l'Hexagone, lui, l'accueille à bras ouvert. Trois ans après « sa première fois » avec un texte français (l'album Préliminaires), Iggy flirte de nouveau avec la langue de Molière. Celle pour laquelle il concède avoir un faible. La première fois, cette aventure hexagonale avait donné naissance à l'une des plus belles reprises d'une des plus belles chansons françaises (la plus belle?) : « Les Feuilles mortes ». Séduit par cette aventure française, l'icône punk rock enfile son costume de crooner pour le plus grand bonheur des amateurs d'un spleen serein et le grand malheur des railleurs.

 

iggy-pop-apresAvec Après, Iggy emprunte quelques monuments de la chanson française et américaine. Participant de ce fait de façon consentante à l'air du temps. Maladie courante qui voudrait que par manque d'inventivité ou persuadés que rien de mieux n'est possible, les artistes puisent dans les répertoires passés. L'ancien des Stooges peut-il faire mieux qu'avant ? Non. Ou alors ce qui en déroute plus d'un « différemment » dirons-nous. Avec sincérité et envie de se frotter à ce qui l'a toujours charmé. Les Sinatra, les crooners. Hommes aux voix teintées d'usures et de blessures.

 

C'est le cœur blessé mais dépourvu de toute forme d'amertume qu'Iggy chantonne les amours perdus et le temps qui passe. Peu importe les paroles approximatives, l'accent décalé fait le boulot. Jette son dévolu sur des âmes faiblardes. Le choix des textes quant à lui est un sans faute. Gainsbourg dans la bouche d'Iggy. Tête à tête entêtant entre deux styles, deux vies, deux artistes persuadés certainement que « la vie ne vaut d'être vécue sans amour ». On aurait voulu danser une Javanaise plus tôt avec ces deux-là. Si Iggy ne connaît pas la langue, il en connaît ses classiques. Incontournable la môme Piaf n'est jamais très loin et le « Syracuse » de Salvador où « la jeunesse s'use » inlassablement avec. Plus surprenant, l'américain s'empare de la poésie du grand Georges et l'amour populaire et inoubliable de Joe. L'Iguane chante « Les Passantes » de Brassens puis le « Si tu n'existait pas » de Dassin. C'est là où la cover n’apparaît pas comme un art de feignant mais de grand, capable d'arracher le meilleur d'un titre, d'attirer l'attention sur des paroles que le temps a fini par emporter.

 

Si la française est toujours un brin sensible au torse de drogué et à l'accent défaillant, elle craque aussi quand le dandy à la voix de velours reprend les standards de chez lui. Ou de chez les quatre garçons dans le vent. Son ode à « Michelle » est aussi pure que celle des Beatles. Son « What's This Thing Called Love » une preuve qu'il aurait pu charmer les foules et vivre une vie de débauche à l'époque de Cole Porter et de ses années folles. Intemporel Iggy ? Certainement. Le torse n'est pas éternel. Mais les textes murmurés ici, si. Il y a un « après » infini pour ces textes-là qui rêvent et divaguent de la chanson intimiste, classique à la chanson populaire. Avant que la jeunesse ne s'use et que les printemps soient partis, il faut avoir connu ce Iggy là, ces textes sous cette lumière-là. Tamisée. Apaisante. Se laisser tout doucement gagner par le spleen qu'Iggy murmure au creux de nos oreilles. Au cœur de la nuit. 

 

Après d'Iggy Pop en vente sur Vente Privée

 

 


« Syracuse » Iggy Pop

Tag(s) : #Musique
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