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L'espace d'une heure, « bichon » n'est plus le nom d'un chien ridicule et encore moins le petit surnom affectif tout aussi ridicule de l'amour de votre vie. Non, l'espace d'une heure « bichon » devient le synonyme d'un éphémère instant de grâce. La grâce musicale subitement atteinte par un jeune homme qu'on disait prometteur à ses débuts et qui semble véritablement parti jouer dans la cour des grands. Le garçon en question s'appelle Julien Doré, son album Bichon,et grâce à son univers audacieux et saugrenu, vous atteindrez les cieux du sentiment amoureux.

 

Pochette de disque décalée. Titre d'album déconcertant. Le nouveau Julien Doré est bel et bien dans les bacs et s'en priver serait une véritable erreur. Derrière le bleu pastel abject de la pochette et le titre, à première vue, ridicule de ce nouvel opus se dissimule un brillant renouveau de la chanson française. Des ballades parlées à s'en esquinter le cœur aux pop song ultra sophistiquées, en passant par les flâneries abasourdissantes entre le dérisoire de la vie et la préciosité des sentiments, Julien Doré nous balade avec intensité d'un point à un autre de son univers kaléidoscopique et de son âme délirante et torturée d'artiste. Et c'est avec un consentement, non dissimulé, qu'on se laisse rapidement prendre par la main pour visiter les sphères complexes, fragiles et attachantes de cet artiste-extraterrestre.

 

Un artiste qui a du style

 

JulienDoréRappelez-vous. C'était en 2007, et un type, loin des stéréotypes de la télé-réalité, pointait son adorable minois et son mythique ukulélé dans la petite lucarne. La Nouvelle Star cette année-là découvrait, non pas une star, mais un artiste complet de A à Z. Étudiant aux Beaux Arts, fanatique de Jean d'Ormesson et de Marcel Duchamp, physique de dandy décalé, Julien Doré n'était vraisemblablement pas raccord avec le décor de ce télé-crochet. Et pourtant, le public s'éprend très vite de ses reprises très singulières (notamment son survolté « Moi Lolita » !) et fera de lui sa « nouvelle star ». Épisode de gloire multi-rabaché qui a néanmoins toute sa place dans l'itinéraire du jeune homme de 29 ans. Julien Doré aurait pu se perdre dans les affres du star système, négligé son style et ses amours particuliers pour perdurer dans les bacs. Mais il ne fera rien de tout cela. Fidèle à lui-même son Ersatz (premier album sorti en 2008) confirme le dicton : la première impression est toujours la bonne. Nous avions donc véritablement à faire à un pitre intelligent dont la particularité est ce talent exquis pour le songwritting doublé de cette force incroyable à provoquer les sourires sur « Les Limites » pour l'instant suivant, chambouler les cœurs sur « Les Bords de mer ». Son « Bichon » s'avère de la même veine. Suite logique qui apparaît pourtant comme une jolie surprise printanière.

 

« Le printemps c'est joli pour se parler d'amour »

 

« Le printemps c'est joli pour se parler d'amour » chantait Barbara. Julien Doré reprend le concept si cher à la chanson française : le sentiment amoureux et tout l'attirail qui va avec. L'artiste psychanalyse son cœur qui bat et qui s'arrête de battre sous la pression du sentiment amoureux, et dans cet art-là : il excelle. Son album est une attente aussi gracieuse que douloureuse d'une quelconque réponse amoureuse. Amoureux transi et anxieux il attend l'amour comme le fameux bichon attend l'affection de son maître. Il attend le « Kiss me forever » de sa belle, véritable tube de l'album qui est à Bichon ce que « Les Limites » était à Erstaz. Sur « BB Baleine », duo lancinant avec l'irrésistible chanteuse des sixties Françoise Hardy, il supplie : « Si tu m'entends, dis moi je t'aime ». Sur le superbe « Glenn Close », où s'exprime une violence amoureuse tout en douceur, il demande de sa voix (é)mouvante : « Redis-moi qu'on n'en est pas là ». Plus parlé que chanté, ce « bichon » en mal d'amour et passionné par la beauté des liaisons dangereuses a inévitablement des airs gainsbouriens. Tout l'album se dessine naturellement sur cette ligne continue de l'ambivalence du sentiment amoureux tout en embrassant avec succès des horizons musicaux divers : variété française des années 70-80, instants électro et poésie parlée. Sans compter la diversité des « contributeurs textuels » : Dominique A pour le nerveux « Eté Summer » et Philippe Katerine pour le subtil « Homosexuel »

 

Cynique mais sensible, chagriné mais brillant, ce chanteur protéiforme charme du début à la fin par la force évocatrice de ses complaintes sincères et attristées. Ça débute par une ouverture symphonique et voluptueuse, « Baie des Anges ». Ça se clôt sur un duo avec l'artiste algérienne Biyouna, un subtil morceau au piano, joliment baptisé « Bergman » où le chanteur dit « chercher son clone » dans Le Silence du maître Ingmar Bergman. Le silence d'après justement, celui qui suit la fin de cette épopée musicale et intense sur le sentiment amoureux, dans les terres d'un jeune homme fantasque et abîmé, est profondément difficile. Avec des mots de tous les jours, soutenu par sa culture artistique et son amour du populaire, ce « bichon »  de Julien Doré a réussi un acte délicat : mettre des mots justes sur des maux injustes infligés par les passions intimes, le tout en musique. Mission accomplie.

 

Bichonde Julien Doré (Columbia/Sony Music)

 

Ecouter l'album de Julien Doré sur Deezer

 

« Kiss me forever » le clip

Tag(s) : #Musique
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