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« Il est mimi l'oiseau ! », carrément mimi ce petit Lulu dans les bras d'un père légendaire sur cette scène du Zenith un soir de 1989. Devant des milliers de spectateurs, Serge Gainsbourg présentait alors sa dernière création vraiment « pas dégueu » : un petit gars prénommé Lulu. Une vingtaine d'année plus tard, le père Gainsbourg n'est plus. Trop pressé de prendre possession de sa place réservée dans les nuages aux côtés des idoles Schumann et Stravinski, l'Homme à la tête de chou a laissé deux gamins derrière lui. Une douce progéniture qui a discrètement hérité de son don inné pour l'élégance d'un art tiré à quatre épingles. Si Charlotte excelle, aujourd'hui, dans deux registres chers à papa (le cinéma & la chanson), Lulu marche lui aussi dans les pas du grand homme en sortant dans les bacs, le 14 novembre prochain, un premier disque en forme d'hommage à ce papa qu'on ne cesse de complimenter où qu'il passe. Un disque From Gainsbourg to Lulu.
.
Si certains penseront l'objet classieux, d'autres ne se
priveront pas de pester face aux avantages lassants dont disposent les « fils de » à conquérir la scène musicale française quand d'autres artistes galèrent à percer. « Fils
de », ça c'est sûr. Aucun mensonge sur la marchandise. Ce « petit gars » a beau avoir la gueule charmeuse d'un Johnny Depp croisée avec la bonhomie d'un Sean Lennon, Lulu est bel
et bien le fils de Serge. Il n'y a qu'à observer attentivement sa silhouette dans le clip de sa divine reprise de « L'Eau à la bouche » où il promène sa nonchalance raffinée et discrète
autour d'une piscine où des nymphes vêtues à la mode des sixties se la coulent douce dans des poses aguicheuses. Au gré du Web, quelques compositions de Lulu Gainsbourg se font donc déjà
entendre et viennent agréablement contredire les détracteurs de l'hommage. Avant d'être l'album d'un « fils de », From Gainsbourg to Lulu est
celui d'un musicien prometteur.
En écoutant le premier EP de l'artiste, Jazz EP, l'oreille se détache des originaux (pour un temps, rassurez-vous) et s'enflamme pour cette révision de classiques de la chanson française. « Le Poinçonneur des Lilas » se métamorphose en air subtil de jazz manouche avec à la guitare un impressionnant Angelo Debarre. Quant au magistral « Black Trombone » monotone, il est toujours aussi joli, mais cette fois-ci c'est le piano de Lulu qui apaise soudainement les âmes et leur donne envie de se la couler douce. Puis tout doucement, par petite touche, le jeune musicien intègre ici et là ces percussions venus d'un ailleurs dont son père fut toujours éperdument épris. « La Javanaise » troque alors son mythique désespoir amoureux pour réchauffer les cœurs contrariés avec des rythmes très imprégnés d'un latin jazz tentateur, qui s'autoriserait même un léger flirt avec une salsa envoûtante. Un peu plus loin, le merveilleux « L'Eau à la bouche » se danse avec la même candeur. Sans contrainte, ni crainte, on se laisse aller au gré d'un courant de paroles murmurées par Lulu, sur des rythmes ensoleillés et classieux.
Comme Serge Gainsbourg en son temps, le jeune homme de 25 ans vole des instants sereins à un monde sans cesse pressé. Ce piano qu'il caresse depuis l'âge de 5 ans et dont il appris les rudiments au Conservatoire de Paris puis au Berklee College of Music de Boston, le protège lui aussi du tumulte de la vie qui effrayait tant son père. À l'écoute de ses premières compositions, l’œil déjà émerveillé par ce qui viendra par la suite dans l'album (des duos avec du beau monde : Marianne Faithfull, Iggy Pop, Scarlett Johansson), on se dit qu'il a la classe ce fiston. Il a hérité de ce truc subjuguant, surréaliste et mille fois approuvés que papa Gainsbourg avait quoi qu'il fasse : l'élégance. L'élégance de rendre un dernier hommage à un grand avant de s'envoler tout seul comme un grand.
From Gainsbourg to Lulu de Lulu Gainsbourg (Universal Music)