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Ce matin, un bouquet de roses rouges trônait sur la table basse. D'un air mauvais, pour changer, j'ai observé ces fleurs comme on observe une ennemie à l'horizon. Interloquée par cette présence incongrue j'ai cherché en vain le pourquoi du comment de leur arrivée jusqu'ici. Anniversaire? (Mauvaises) surprises? Quelque chose à se faire pardonner?... J'ai beau avoir retourner toutes les suppositions possibles dans ma petite tête, je n'ai trouvé la réponse que quelques minutes plus tard sur Facebook. Il faut dire merci à la à technologie. Lui rendre hommage. Sans elle, impossible de prendre la température de la connerie ambiante ou de la triste réalité de nos vies. Globalement les murs des messieurs affichait fièrement un : « Bonne fête les filles, profitez-en, ce n'est qu'une journée par an! ». Les murs des demoiselles, quant à eux, étaient bien maussades, entre repassage et couche culotte à changer, elles ont tout juste eu le temps de maudire cette journée avec leur verve révoltée de vraie fille. La journée de la femme a 100 ans, et la connerie humaine, elle, a 2000 ans et des poussières...


SimoneEn 1910, une femme bien courageuse pour son époque, une certaine Clara Zetkin, proposa l’idée d’une "Journée internationale de la femme". Il faut dire qu'une petite journée de repos en ce temps-là, ça ne devait pas faire trop de mal à toutes ces ménagères de 7 à 77 ans. Puis pour les hommes c'était l'occasion ou jamais de se dédouaner un peu, d'offrir une maigre faveur à celles qui les mettent au monde et à celles qui leur fournissent une progéniture. L'hypocrisie générale a toujours fait tourner le monde depuis la nuit des temps et il faut croire que grâce à elle, la Terre n'est pas prête de s'arrêter de tourner. Alors ouais, aujourd'hui c'est la fiesta! Pour les hommes, le bouquet de fleurs est de rigueur. On en offre un à sa maman, à sa femme (on évite les roses jaunes), à ses filles et même à sa maîtresse! Pour les femmes, la nostalgie des combats d'antan est de rigueur. On s'autorise à relire quelques pages d'une icône du féminisme disparue, et on pense à l'autre Simone, on lui glisse un très sincère « Merci », parce que sans elle, on passerait encore nos journées à couver. Une fois que l'on s'est tous donné bonne conscience dans la joie et la bonne humeur, on repasse derrière les fourneaux, on repasse tout court les chaussettes de nos hommes, ou alors pour les plus anciennes d'entre nous, on se repasse le film de notre vie en 60 secondes chrono. 1944 : le droit de vote et le droit d’éligibilité est accordé aux femmes. 1946 : le préambule de la Constitution pose le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes. 1965 : la femme peut gérer ses biens, ouvrir un compte en banque, exercer une profession sans l’autorisation de son mari. 1967 : Loi Neuwirth autorise la contraception. 1974 : Loi Veil autorisant l’IVG, sous certaines conditions. 2000 : La loi "favorise" l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives... Vraiment chouette cette petite chronologie. Très instructive. En un siècle, le deuxième sexe est devenu l'égal du premier, non?


Verdict : d'après un sondage du Figaro, 75% des Français pensent que la Journée des droits de la femme n'a plus de sens. Mais a-t-elle eu un sens un jour cette journée? N'était-elle pas la preuve de l'existence des femmes en tant que deuxième sexe? Pleins de questions complexes surviennent face au centenaire de cette journée dépassée et presque outrageante pour toutes les femmes. Une journée de reconnaissance pour enfanter dans la douleur, se farcir la majorité des tâches ménagères, s'occuper de toute une tribu qui un jour ou l'autre se cassera la gueule, travailler fièrement pour entretenir sa petite personne, passer des heures à se faire un minimum jolie pour ne pas collectionner les remarques désobligeantes sur sa mauvaise mine, ou alors au contraire passer des heures à se pouponner et collectionner les regards désagréables d'un premier sexe amputé de la valeur respect... Simple et horrifiante journée que celle d'aujourd'hui parce qu'au final les 364 jours qui restent, ils sont pour qui?


L'hypocrisie ambiante continuera à entretenir une rancœur acerbe et énervante, je vous l'accorde, du côté des femmes et alimentera à perpétuité l'image faussée d'un mâle lâche et égoïste. Le constat de ce centenaire est finalement bien sinistre, voire même décourageant à une époque où l'on devrait tous être capable et, surtout avoir le droit, de se comporter en homme 24h sur 24 pendant 365 jours. En 1949, une certaine Simone de Beauvoir avait eu le culot d'écrire une vérité tragique : « On ne nait pas femme : on le devient ». Oui, on le devient avec fierté mais aussi avec erreur. Devenir ce petit être frêle et sans défense. Accepter de mener un combat quotidien mener sur tous les fronts. Une guerre de tous les jours pour garder homme, enfants et boulot à bord. Accepter d'être reléguée à la seconde place tout au long de la course éphémère qu'est la vie. Tragédie à laquelle semble participer cette journée du 8 mars. Alors envoyons valser la bienséance nauséabonde, et par la même occasion l'horrible et hypocrite bouquet de roses rouges, une bonne fois pour toutes, femmes et hommes, avec nos qualités et nos défauts, tentons de vivre d'égal à égal sur la même marche du podium.

Tag(s) : #Histoires et pensées du Deuxième Sexe, #féminisme
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