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J'ai grandi avec ce mythe en tête. J'ai grandi avec un père complètement taré (oui, osons le dire) capable d'entreposer sur la table du salon le portrait du rockeur claqué (dans des circonstances peu recommandables) quand on célèbre la mort de ce dernier des décennies plus tard. J'ai grandi avec un père plutôt capable de te faire réciter la liste du club très fermé des 27, la black liste, plutôt que tes satanées tables de multiplication. Brian, Jimmy, Jim, Janis and co. And coco. Répètes encore après moi. Ni alcoolique, ni drogué, simplement musical dans l'âme sous ce toit. Et un peu barré après mûres réflexions. Alors forcément quand le fil interrompu de l'actualité, impromptu souvent aussi, affiche la mort d'Amy, c'est la mort dans l'âme que je me retrouve à réciter cette vieille liste aussi mythique que toute pourrie, et à aligner des sottises du genre « c'est toujours les meilleurs qui partent en premier » ou « la classe de crever à 27 piges comme les mythes ». Connasse que tu es avec tes mythes à la con.

 

Amy2

Amy, à en croire la Toile, ça devait lui arriver d'ici peu. Limite pour certains elle ne méritait que ça, dommage qu'elle n'est pas emmenée son copain Pete avec elle sniffer de la coke dans les nuages de l'Enfer. Les cons ça osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît, disait l'autre. L'autre a toujours raison, la preuve aujourd'hui encore depuis qu'Amy et sa voix black se sont fait la malle. Amy nous avait lâchée depuis belle lurette. Ça date de quand déjà ? Sa non-prestation à Rock en Seine ou ses prestations calamiteuses aux quatre coins du globe. Non c'est depuis que l'icône trash pathétique avait volé la vedette à la princesse camée de la soul. Là où certains ont simplement trébuché, Amy est tombé à jamais. L'éternelle question s'agite chez ceux qui gardent précieusement leur anthologie du rock à portée de main en cas de coups durs, pourquoi certains succombent à leur fureur de vivre et d'autres pas. Ce soir, toujours pas de réponse en vue. Ce soir, des gamins crèvent de faim en Somalie, d'autres se font abattre en Norvège, on est au bord de la crise financière comme chaque soir depuis X mois et Amy est morte. Sur l'échelle de la douleur, c'est la nouvelle la moins grave qui nous parle le plus. Et ça sera certainement toujours ainsi dans le futur.

 

Au moment où j'ai appris que l'enfant terrible de la soul était partie rejoindre les enfants terribles du rock, c'était Beaupain qui chantait dans mes oreilles. Il m'y parlait de Jean et de son « qu'est-ce que c'est dégueulasse ». La mort d'Amy c'est dégueulasse, les blagues qui vont avec aussi, les événements en Somalie et en Norvège encore plus. Mais comme la vie est une truc si dégueulasse, on se concentre égoïstement sur la mort d'Amy. You know i'm no good, c'est l'histoire de l'humanité ça. Cette salope d'humanité qui veut que tout se débine et qu'Amy tire sa révérence. Communs des mortels que nous sommes, nous n'avons même pas les moyens de la contredire. Alors pour panser la plaie béante d'une dégueulasserie généralisée, on se saoule à sa voix. Cette voix black, fantôme de jadis, échappée d'un guetto américain à l'époque de la ségrégation. Voix précieuse et rocailleuse taillée dans les substances illicites. Amy gouaillait à l'anglaise son addiction, son désespoir. Ce soir, on écoute en boucle sa voix venue des tréfonds de l'humanité rassasier notre addiction à la musique, soigner notre désespoir de grandir dans un monde qui se fout en l'air. Et se regarde faire.

 

PS : Merci à Amy de m'avoir appris que :

1. « Love is a losing game »

2. Rehab signifiait cure de désintox' (ouais l'anglais et moi ça faisait deux déjà à l'époque)

3. De m'avoir envoyer direct à l'époque de ce bon vieux Marvin à l'écoute de « Tears dry on their own », aussi revigorant que le cultissime « Ain't No Mountain High Enough »

 

Tag(s) : #Musique
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