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La veille, sur un grand écran d'une petite salle parisienne, un double du plus grand des intellectuels italiens disait en interview  : «  Tout est politique ». J'esquissais alors un sourire de complicité. Le matin même, dans la petite radio, un écrivain doué mais irresponsable disait en interview : « La lecture d'un livre n'a jamais influencé mon vote ». J'esquissais un regard méprisant à la pauvre radio innocente, me disant que l'homme en questions n'avait pas du lire grand chose dans sa vie. Le midi même, devant mon écran d'ordinateur, mon fil Twitter disait charliehebdo en boucle. Je pensais aux quelques unes du journal sur le quinquennat de Sarko qui devaient mener une existence peinarde dans les placards de ma chambre d'ado, accompagnées d'autres unes tristement célèbres que mon âme de collectionneuse avait sauvegardé, celles du 21 avril et du 11 septembre en tête. L'après-midi, je n'arrivais pas à quitter des yeux mon fil d'actu. Il disait « blessés », puis «morts ». Puis des noms. Quels noms... Mon fil Facebook lui devenait tout noir. Les photos de profil et photos de couverture étaient devenus des modestes/médiocres moyens de soutien. Le soir, je suis sortie du travail l’œil suspicieux en passant devant deux flics armés. Les jours suivants, je les regarderai avec la féroce envie de les prendre dans mes bras. Le soir et tous les jours suivants, j'écoutais en boucle un garçon à la parole sage, tant écouté par le passé et tristement d'actualité. Il disait « Après cela on a tous été pointé du doigt, ils se sont demandés peut-être qu'ils sont tous comme ça ». Le soir, Maman au téléphone disait : « Wolinski c'est toute ma jeunesse, tu comprends ». Je ne disais rien, je n'en pensais pas moins. Je comprenais surtout qu'elle était passée cette jeunesse, cette foi à l'apparence indestructible en la politique et tout ce qui avait attrait au combat des grands-parents coco, mais elles-étaient passées où ? Dans le poids des années ou des désillusions politiques ? Puis, je me disais que la mienne était en train de trépasser, par ma faute certainement, par la faute de l'époque assurément. Le même soir, je descendais voir Marianne à Répu. Comme des milliers d'autres. J'applaudissais, je pleurais, je disais des Charlie bêtement mais sincèremen. Je faisais ce que je n'avais pas fait depuis un an peut-être. Ce que des gens feront pour la première fois le dimanche qui a suivi la tuerie de Charlie, l'assassinat de Montrouge et la tuerie de la porte de Vincennes. Des morts pour ouvrir les yeux. Des morts pour sortir dans la rue. Des morts pour acheter des journaux. Des morts pour réunir la gauche, la droite. Des morts pour réunir un israélien et un palestinien. Des morts pour réunir des assassins dans leur pays. Des morts pour réunir des politiques qui ne respectent pas la liberté d'expression dans leur pays. Des morts pour réunir des racistes, des homophobes, des juifs, des musulmans, des athées, des politiques des je m'en foutiste. Des morts pour associer nos nobles pensées et nos craintes abjectes. Des morts pour sortir dans la rue. Des morts pour protéger la liberté d'expression. Des morts pour dire je t'aime comme jamais. Des morts pour s'inquiéter comme jamais. Des morts pour effacer l'hypocrisie, l'ignorance, la peur de l'autre, le racisme, l'antisémitisme. Ou pour raviver tout ça. Des morts pour 5 millions de français dans la rue, et les autres, les 60 millions ?

« Quand je pense à tout ça, je pleure » disait le garçon qui tournait en boucle dans mes oreilles depuis plusieurs jours. Après coup, quand je pense à tout ça, je pleure aussi. De peine, puis de joie, puis de peine à nouveau. Tout aurait pu être réparé déjà hier, tout ne se répare pas en une journée, tout ne se réparera pas demain. Tout ne se réparera pas avec des citoyens du dimanche. Et tout ne se réparera pas avec une pessimiste comme moi. Mais peut-être qu'à force d'articles, de petits gestes du quotidien et de grands moments pour écrire une nouvelle page de notre Histoire, peut-être que tout redeviendra politique, que lire, écouter, être attentif et critique influencera les votes et les attitudes. Trop en colère contre mon inconstance à la chose politique et plus généralement notre inconstance et notre ignorance, voici en vrac, les détails et lectures soucieuses de réparer nos erreurs.

Le kiosque à journaux est Charlie

Le kiosque à journaux est Charlie

La France arc-en-ciel d'Abd Al Malik

Une de Charlie Hebdo 1977

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Tag(s) : #Chroniques de l'asphalte, #Charlie Hebdo, #Société, #Politique, #attentat
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