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« You're gonna lose control tonigh » prévient Ryan Gosling sur la chanson d'ouverture de La Bataille de Solférino. Non, ce n'est pas un film avec Ryan Gosling. Non, ce n'est pas un film sur un bataille dont tu aurais appris la date à l'école primaire et que tu aurais égaré dans les méandres de ta mémoire. Non, ce n'est pas un film sur le PS. Et puis ce n'est pas un film à vrai dire. Plutôt un film documentaire, avec du vrai et du faux dedans, des larmes et des crises de rire, des craintes impossibles et des joies à puissance 1000, des hommes et des femmes, un couple et la foule, la petite histoire et la grande. Bref, La Bataille de Solférino est un bordel immense dans lequel il fait bon se perdre, se reconnaître, se craindre, s'amuser, s'aimer, se combattre inévitablement. C'est un film générationnel, où cette foutue génération Y peut enfin s'aimer avec toutes ces névroses, se marrer aussi et chialer un peu sur sa difficulté à avancer. Une superbe désillusion politique et amoureuse. Un pas en avant pour la communauté et un pas en arrière pour le couple désagrégé sur l'autel des libertés. Ou serait-ce l'inverse ?

 

C'est un film où ne comprend pas tout. Les raisons du pourquoi intéressent peu, seules les sensations ont le monopole sur tout le reste, ce soir-là en tous cas. Et si on plantait le décor ? 6 mai 2012. Hurlements d'enfants persistants, tellement insupportables qu'ils arriveraient à te faire quitter la salle de cinéma sur le champ. Deux enfants en bas âge et Laetitia qui s'agite, qui gère son habit du jour, son appart, son mec, son baby-sitter, son ex-compagnon qui veut voir ses enfants, Vincent. Lui est en bas, les bras entassés de cadeaux minables et sa voix déraillée qui demande à voir ses enfants. Sauf que Laetitia refuse. Pas l'envie, pas le temps surtout. Elle doit partir : ce soir elle couvre pour une chaîne de télévision le deuxième tour de l'élection présidentielle en direct de la rue de Solférino. Sur les quais de Seine, elle fonce en scooter. Laissant gosses insupportables, baby-sitter novice et ex borderline se démerder tout seul. Sur les quais, à toute vitesse, elle respire un peu, et nous avec.

 

La Bataille de Solférino déclare la guerre au cinéma sage. Lui a fait son choix, aucun répit comme dans la vie. Les protagonistes principaux sont aussi pressés que la foule hystérique qui attend son verdict, le verdict de l'Histoire. Chaque plan transpire l'hystérie. Collective et personnelle. D'un bout à l'autre du boulevard Saint-Germain, citoyens de gauche et citoyens de droite sont sous tension. D'un rôle à l'autre, mère ou père sont sous tension. Alors le spectateur vit avec eux, en temps réel, leur tension, leur hystérie. Immergé dans cette folle journée, il tremble quand le baby-sitter emmène les deux enfants en bas âge dans cette masse informe qu'est le peuple sous les fenêtres de Solférino. Tremble quand le père cherche en vain à les récupérer quitte aux quiproquos et aux coups. Tremble face aux commentaires des gens dans la rue. Mais il ne fait pas que ça. Non, il ne peut rester insensible à l'énergie foutraque des deux ex-amants, ne peut rester de marbre face au ridicule de la situation du baby-sitter perdu. Ne peut s'empêcher de compter le décompte qui mène jusqu'à la révélation du grand gagnant de cette journée. 5, 4, 3, 2, 1 c'est à cet instant que Justine Triet vole ses plus beaux plans à la foule. Foule d'anonymes figurants, foule de citoyens perdus dans la masse, consentants à ne faire qu'un : un peuple en joie. C'est à cet instant que Justine Triet vole ses plus fortes émotions à son spectateur. Les gens de gauche verseront leur larme, les gens de droite n'iront pas voir ce film, trop borderline pour des mentalités étriquées.

 

Borderline ce cinéma entre fiction et réalité. Borderline cette idée de foutre une équipe de tournage réduite rue de Solférino un jour de grand soir. Borderline cet ex qui demande de l'aide à tout le monde sauf à son ex. Borderline cet ex, complètement foutraque dans sa tête et dans ses explications - un Vincent Macaigne, nouveau Depardieu tout à tour flippant et attachant. Borderline tout autant celui qui dans son fauteuil rouge se prend ce pétage de plomb collectif dans la tronche, et en redemanderait presque tellement l'énergie manque cruellement au moment.

L'énergique Bataille de Solférino

La Bataille de Solférino bande-annonce

Tag(s) : #Cinéma, #La Bataille de Solférino, #Justine Triet, #Vincent Macaigne, #Politique
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