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« La Culture c'est comme la confiture... Moins on en a, plus on l'étale ». Alors celle-là, on l'a entendu multiples fois. Dans la bouche de ce vieux prof de français tout d'abord. Ce mauvais sosie de Chabrol, qui nous la balançait en pleine poire, avec son air dédaigneux, parce qu'au fond de la salle, dans nos (fausses) postures de petites branleuses, on avait aucunement envie de  le connaître son Joseph K (faut dire qu'on lui préférait, et de loin, sa version cinématographique en Anthony Perkins). Plus tard, se sont certaines personnes proches qui ne se sont pas privées de la relancer en pleine figure, la petite sentence qui vient te fermer le clapet parce que tu as tendance à trop l'ouvrir lors des repas familiaux et (faussement) conviviaux. Bref, moi je préférerais vous dire clairement à tous que la culture c'est aussi bon que la confiture. Qu'il faut s'en goinffrer à toutes heures.

 

Culture Confiture


Hier soir par exemple sur le plateau de « L'Objet du Scandale », l'émission de Guillaume Durand diffusée sur France 2, on s'en est empiffré de la culture au sens large. Hop, hop, 22H15 direction la vieille petite lucarne qui de temps en temps, à des heures tardives, nous sert sur un plateau doré un Ministre de la Culture et un présentateur culte livré avec la télévision quand tu l'achètes. Face à eux, des questions acerbes et quatre français d'univers divers et variés, mais surtout bien stéréotypés. Il y a tout d'abord le gentil ch'tis. Un vrai travailleur précaire qui se demande comment il peut se payer de la culture alors qu'il n'a même pas assez pour s'offrir un pot de confiture avec ses 750 € par mois. À ses côtés, il y a ce bon vieux Bernard, le baroudeur qui fait pas dans la dentelle mais plutôt bien dans le bon bouquin de qualité. Nanard le libraire, c'est fou, il a le physique de sa parole à croire qu'il s'est échappé d'une bande dessinée de Goscinny! Un résistant de la première heure, le fils caché de José Bové et de Régis Debray (je sais pas ce qui vaut le mieux pour lui à vrai dire?!). Après lui, il y a la petite touche féminine, la Madame Michu type, ménagère de moins de cinquante ans que l'on suppose folle amoureuse  (en douce) de Michel Drucker et passionnée par les dimanches avec Mimi (quoi? Je ne me moque pas! Moi aussi je l'aime bien  Mimi!). Enfin pour boucler le tribunal, on retrouve le petit jeune engagé, corrosif et charmant, garant de la touche ultra-tendance du « On emmerde les vieux, les jeunes au pouvoir! ». Sûr qu'avec un panel aussi bien ciblé, le débat allait être épatant... Mais c'était sans compter sur les aléas du direct... Et ces satanés chômeurs!


22H40. : l'heure du crime. Une dizaine de personnes disant appartenir à une coordination de collectifs de chômeurs et précaires apparaissent par surprise derrière un Guillaume Durand incrédule. C'est vrai ça, pourquoi Bernard et les autres auraient le droit de parler et pas eux!? Après quelques banderoles déployées, des regards inquiets ici et là et des vagues trémolos dans la voix des manifestants, le présentateur et son invité, Frédéric Mitterand, acceptent d'entendre leurs revendications dans un souci commun d'apaisement. Pas de micro mais beaucoup de choses à dire. Une jeune fille se lance : "Les réformes de Pôle emploi ou du RSA cherchent à nous coincer, un par un, pour nous faire accepter des emplois de 10h par semaine payés une misère dans les secteurs les plus difficiles". Pas faux... Chut... "Il faudrait accepter n'importe quel travail sous peine de perdre une allocation de survie. Et qu'en plus nous soyons reconnaissants. Devrions-nous avoir honte de ne pas savoir nous vendre à n'importe quel employeur, honte de ne pas vouloir déménager pour un boulot, honte de ne pas accepter tout et n'importe quoi, de ne pas plier, en somme, devant la raison économique ?". À cet instant-là, je me dis que cette petite nana a bien du cran et que j'aimerais bien être comme elle. Je me dis aussi que Nicolas, du haut de sa tour d'ivoire, ne doit pas être très content. Il est grand temps de faire le ménage là-dedans, Nico. Le service public c'est vraiment plus ce que c'était! Heureusement Mimi Drucker, tel un super héros, débarque pour sauver l'anarchie de ce plateau télé à la dérive!


Après ce joyeux bordel orchestré par un Guillaume Durand convaincant, on a  dû sagement écouter les deux invités défendre leurs libertés. La liberté du service public pour Mimi et la liberté d'opinion pour Fredo. Michel Drucker a usé de toute sa bonne volonté pour faire admettre à Bernard que l'on n'était (heureusement) plus au temps de l'ORTF et que personne ne venait lui taper sur les doigts. Fredo, de son côté, a usé de sa voix la plus enivrante pour faire admettre à Bernard (oui, je sais encore lui!) qu'il pouvait mener une politique de culture pour tous, tout en étant dans un gouvernement de droite. Ils étaient tellement gentils tous les deux que, personnellement, j' ai bien failli les croire... Mimi, l'autodidacte, l'ami de tout le monde de droite à gauche, le type qui ose encore mettre à l'antenne Ferrat (paix à son âme) et Bedos (trop rarement). Puis Fredo, le neveu de Tonton, l'ami de toutes les cultures qui oeuvre pour la culture pour tous. Hélas ces deux-là n'admettront jamais la réalité, et encore moins à la télévision. Michel Drucker n'admettra pas devant le journaliste Philippe Tesson, venu pour conclure le débat, qu'il reçoit éternellement les mêmes têtes dans ces « Vivement Dimanche ». Quant à Frédéric Mitterand, il sera hors de question pour lui d'admettre que Nicolas Sarkozy s'est offert la marque de son nom de famille comme garantie électorale.


Moralité de l'histoire : combat perdu d'avance. La culture est un combat perdu d'avance. « L'Objet du scandale » l'a prouvé de A à Z en cette tragique soirée de 21 avril. Cette culture ne trouvera jamais le juste milieu entre Nanard le révolutionnaire et Madame Michu, la ménagère de moins de cinquante ans, amoureuse des brushings de Michel Drucker. Il y aura toujours d'un côté la culture populaire avec Mimi et la culture d'une certaine élite du Côté de chez Fred. L'une n'ira jamais flirter à l'autre, pensez-vous, c'est bien trop risqué. Dès fois que la ménagère soit apte à comprendre pourquoi c'est plus facile de lui faire consommer de la médiocrité plutôt que de l'intelligence à des heures raisonnables... Et oui, ma petite dame c'est vrai qu'une dizaine d'abrutis dans un loft c'est largement plus reposant pour tes neurones qu'une dizaine d'invités sur un plateau de Frédéric Tadeï ou de Guillaume Durand. Je ne vais donc pas me fatiguer un peu plus longtemps à t'expliquer pourquoi Durand et ses amis polémistes sont relégués (et habitués) aux secondes parties de soirée, tu m'auras compris...

Il faut rester bête un minimum ma chère. Pas trop penser surtout parce que ça pourrait être dangereux de se rendre compte à quel point on te prend pour un conne. Se taire beaucoup parce que parler (et surtout en direct) c'est très mal poli (vis-à vis du pourvoir en place). Endurer les pressions de la crise aussi, de l'état, du Pôle emploi, de ton porte-monnaie qui te permettra pas de t'enfuir de ta modeste vie avec un simple bouquin ou une place de cinéma. Accepter l'idée enfin que la culture c'est un truc complexe, « ni de gauche, ne de droite » comme dirait ce bon vieux Fredo. Un truc que tu aimerais bien pouvoir te payer mais que tu peux pas avoir parce que, manque de chance, tes sales gosses préféreront toujours avoir de la confiture qu'un bouquin entre les mains. Alors, je sais, ce que tu fais pour te faire plaisir tu regardes Michel Drucker le dimanche après-midi parce que tu n'as pas les moyens de faire autres choses et que mine de rien ce Mimi il est vraiment cool. Il ressort ses vieilles images en noir et blanc qui sentent bons les archives de l'INA, ses sourires engagés et ses discours mélancoliques sur le bon vieux temps. Oui, j'ai conscience que tu t'échappes comme tu peux en te disant : « Putain, qu'est ce que c'était mieux avant! ». Avant. Quand on avait du boulot, ni trop, ni pas assez d'argent dans le porte-monnaie, des vrais valeurs dans la caboche et un paquet de rêves accessibles. Mais ma petite dame, réveilles-toi, tu vaux mieux que ça... Enfin j'ose l'espérer.


Revoir "L'Objet du scandale" ici

Tag(s) : #Chroniques de l'asphalte
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