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Après un exil en terre bien connue et faussement angélique -comprenez L.A – la jeune bordelaise Soko revient chuchotée des comptines intimes à son Hexagone natal. Celle qui en 2007 avait bouleversé la toile en un titre assassin, « I'll kill her », sort enfin son premier album : I Thought I was an alien. Bricolage touchant et irrésistible d'une songwriteuse fragile. Donc précieuse.

 

Soko alienCertains albums sont des albums de saison. Dès leur première écoute, ils vous font instinctivement penser à une saison. Colle à merveille avec l'air du temps et les émotions engendrées par celui-ci. Si le premier album de Soko incarnait une saison, il serait incontestablement le printemps. Saison transitoire. Valdinguant entre les espoirs promis par l'été et les désillusions, hélas, encore bien vivaces de l'hiver.

 

Des saisons qu'on l'attendait ce premier album. Ce I Thought I was an alien (« Je pensais être une extraterrestre ») met fin à trois longues années d'impatience pour les geeks fanatiques de folk. C'est en 2007 que Stéphanie Sokolinski alias Soko avait fait chavirer bien des cœurs. La faute à une vidéo balancée innocemment dans l'antre de l'utile, mais parfois destructeur, Internet. Son « I'll kill her » et sa douce voix éraillée se retrouvaient coincées dans le tourbillon de la Toile. Sensation peu appréciable pour la jeune fille qui décida très vite de tourner le dos à la planète musicale après un premier EP (Not Sokute) et quelques dates dans de prestigieux festivals français.

 

Puis un jour, c'est le drame pour la Toile. Sur son Myspace, Soko programme sa mort virtuelle et proclame un tonitruant « Soko is dead » avec une arrogance propre à son jeune âge. Comme par enchantement, la belle disparaît du côté de la cité qui ne dort jamais : L.A. Une destination musicale pour fuir la hype d'un succès aussi étourdissant que effrayant. Les années ont passé. Soko a squatté le grand écran (notamment dans Àl'origine de Xavier Giannoli). Pendant ce temps-là, ceux qui étaient tombés amoureux d'elle n'ont cessé de se demander le fatal « Dis quand reviendras-tu ? ».

 

Soko is not dead

 

Et la belle est revenue. Toutes les jolies choses ont une fin. L'exil a donc connu la sienne. Après trois ans à traîner dans le quartier hippie d'Echo Park de L.A, la demoiselle se remet à l'écriture. À la conception de mélodies mélancoliques et chuchotées-chantées dont elle seule a le secret. La brunette dit avoir plus d'une chanson dans son sac. Et pourtant son premier album n'en comporte que 15. 15 excellentes. Dans la lignée de son personnage délicat et de son jeune âge tourmenté.

 

« I Thought I was an alien » chuchote t-elle dès le second morceau. Nous aussi, nous le pensions. La case folk a beau bien vouloir d'elle. Soko, elle, ne semble vouloir d'elle. Comme de n'importe quelle case d'ailleurs. Telle une gamine amusée à l'idée de semer la zizanie chez les grandes personnes : elle brouille les pistes. Sa voix éraillée sert des mots crus et amoureux qui s'égarent au fil de complaintes gracieuses et pourtant teintées d'un noir profond. La prouesse de Soko ? Faire surgir la lumière là où le noir règne en déesse impitoyable. Son spleen existentiel brille dans la nuit. L'instrumentation est minimale. L'effet maximal. Ses ballades échappées des ténèbres de la folk ressemblent étrangement à ces contes pour enfant qu'on lit tard la nuit pour émerveiller les âmes encore innocentes. Soko appartient à cet âge vierge de toute expérience. Espérant que chacune des expériences à venir sera la bonne. Elle est de cet âge si précieux où on rêve sa vie avant de la faire. Où on ne sait pas très bien si les contes lus tard la nuit sont effrayants, merveilleux, fantastiques ou bien simplement d'une beauté « bizarre ». Celle si chère à Baudelaire.

 

Rêverie d'une promeneuse solitaire

 

On se réfugie dans le spleen de la demoiselle. Erre avec elle au fil de ses expériences. Bâclées. Abîmées. Regrettées. Elle chuchote le premier amour (« First Love never die »). Espère un miracle impossible (« For Marlon »). Se berce de nostalgie (« Happy Hippie Birthday). Fantasme la lettre d'un petit ami (« I Just want to make it new with you »). Vogue d'une atmosphère à l'autre sans jamais se fixer dans un état. Contrairement à ses débuts, elle s'égare un peu plus loin que le veut la terre classieuse du folk. Joue avec plaisir des airs plus électriques (les frénétiques « I Just want to make it new with you » et « Destruction Of The disguting ugly hate »).

 

En l'écoutant, on pense à plein de filles géniales qui poussent la chansonnette de manière bien singulière. La voix robotique du premier titre « I Just want to make it new with you » a des airs de l'inquiétant-excitant « What's a girl to do » de Bat for Lashes. La force entêtante et désespérée de « Destruction Of The disguting ugly hate » impose une filiation avec la poésie électrique et lyrique de la brindille rock Le Prince Miaou. Quant à l'armada de bruitages en tout genres et le caractère épuré de son chant comme de son instrumentation, ils vous font instinctivement penser aux sœurettes de Cocorosie. Malgré des filiations (de qualité), Soko crée un univers bien à elle. Un monde fait de rêveries. Celles d'une promeneuse solitaire. Dont l'âme ne réclame que la solitude pour féconder de jolies choses... et qui pourtant ne semble se faire à cette satanée vie où la solitude est le premier des fléaux.

 

Narratrice et victime de ses émois, Soko décrypte ses expériences pour en faire des balades dont on sort rarement indemne. Des protest songs au caractère folk qui ne protestent que contre les sales coup de la vie. Ceux-là mêmes à qui on consacre trop de temps. Àressasser sur des airs folks les regrets d'une histoire inachevée, loupée. Dans un monde, et pire même, dans une industrie du disque obsédée par le buzz, par la rapidité du tube, Soko, délicate enfant au caractère bien trempé, a pris le temps de ressasser ses émois et peaufiner ses compositions. L'alliance des deux est quasi-parfaite. Elle n'est que sincérité.

 

I Thought I was an alien de Soko (BabyCat Records/Because Music)

 


I Thought I was an alien (Clip Officiel)

I Just want to make it new with you


Tag(s) : #Musique
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