Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Attention. Concentration. C'est la 21eme question. Soit la toute dernière de ce questionnaire d'actualité. Je respire profondément. Oublie ma mésaventure avec la question précédente : « Quel est le titre du dernier livre d'Élisabeth Badinter? ». Dans mon for intérieur une petite voix résonne sournoisement : « Et bien bravo! Bravo, tu te dis féministe mais tu as déjà oublié le titre du dernier Élisabeth Badinter! ». Oui, je sais, j'approuve. La honte m'envahit et je voudrais disparaître sur place. J'ai beau me chercher des excuses, le stress, la pression, le nombre de candidats présents mais au fond de moi, je le sais : je n'ai aucune excuse. Alors il faut que je me concentre un maximum, une concentration à m'en faire exploser la cervelle. Il faut que j'assure pour l'ultime question, j'ai bien été capable de ressortir des noms de ministres que je hais, des noms de sportifs improbables, alors ce n'est pas une minable 21eme petite question qui va me faire peur. Allez un peu de courage...


Je lis : « Combien y a-t-il de femmes présidentes de région en France? ». Faut que je la relise, là. Non, non je n'avais pas mal lu. C'est bien ça. D'un petit rire cynique intérieur je répond du tac-au-tac : « Très très bonne question ». Voilà, c'est fini. Je vais quand même pas échouer sur une petite question qui me demande un stupide petit chiffre. Tout petit chiffre. Alors elles sont combien ces femmes présidentes de région dans la tête de la féministe que je suis. Je n'arrête pas de bouger sur mon banc. Je m'agace sur mon crayon. Souffle. Rit de cette tragédie. Je suis féministe et je n'ai aucune réponse à cette question. Ah, si j'en ai une. Une seule. Je la vois dans sa tenue bleue sur une scène en train de répéter comme une maîtresse d'école « FRA-TER-NI-TÉ ». Il ne peut n'y avoir qu'elle. C'est vrai c'est impossible, invraisemblable. Il ne peut n'y avoir qu'elle. Une seule femme pour 22 régions, c'est impossible, dérisoire. Merde, en 2010, Simone Veil est entrée à l'Académie française, Martine Aubry est première secrétaire du PS et... pas grand chose d'autre finalement. Toujours coincée entre la maman et la putain. Toujours en dessous des hommes dans les salaires et l'emploi. Toujours au dessus des hommes face aux tâches ménagères. Toujours seule face à l'hostilité d'un monde conquis d'avance par la race masculine. Rien ne va plus. Je dois me lancer mettre un chiffre. Je ne vois qu'elle, la Ségolène, un temps admirée puis à nouveau moquée. Mais je ne vais pas m'abaisser à inscrire un simple « 1 » sur ma copie. Je m'y refuse. Parce que l'on vit dans ce merveilleux pays, où l'on veut interdire la burqa sous prétexte qu'elle symbolise l'oppression de la femme. Parce que des femmes se sont battues pour obtenir le droit de vote, le droit à la contraception et à l'avortement il y a une éternité... okay c'était hier. Pour toutes ces choses complexes, je ne peux inscrire un simple « 1 ». Alors je sais, ce n'est pas très beau, mais je vais bidouiller le chiffre, produire un petit truc potable et plausible parce que merde les filles ne se sont pas battues pour rien depuis des lustres. Je me dis que le chiffre « 5 » est sympathique, une bonne sorte de quota pour moi, la fille qui les déteste. Ça sera «5 » alors. Pas une de plus, je voudrais pas offenser la gente masculine qui va me corriger. Je m'applique et de ma plus belle plume j'écris : « Il y a 5 femmes présidentes de région en France en 2010 ».


Perdue ma belle. Le chiffre gagnant était le « 2 ». Le beau « 2 » de 22. Deux femmes sur 22 régions. Ségolène Royal pour le Poitou-Charentes et Marie-Guite Dufay pour la France-Comté. À la lecture de ces deux noms et de ma minable petite entreprise à augmenter les chiffres, je me dis que Simone de Beauvoir doit se retourner dans sa tombe et moi je vais retourner copier des chapitres et des chapitres de ma bible du féminisme. Il paraît qu'il existe une loi pour contraindre ce chiffre,une certaine " loi sur la parité en politique " mais les lois les partis politiques de droite à gauche ont l'air de bien s'en moquer. Après tout, ce n'est pas grave. Ce n'est qu'une loi. Ce n'est qu'une question dans un concours. Ce n'est qu'un chiffre. Pas de quoi en faire un drame puisque de toute façon notre merveilleux pays est la patrie des droits de l'homme... et de la femme.

Tag(s) : #Chroniques de l'asphalte
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :