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Beigbeder« Bref, je n’arrivais toujours pas à comprendre ce qu’on reprochait à mai 68, sinon d’avoir voulu changer le monde et d’y être un peu parvenu malgré tout, même si ce n’était pas encore ça.


Née trop tard. Depuis trente ans, je suis de la génération de la crise qui s’enlise et s’éternise. Je m’y suis résignée, petit à petit, insidieusement, malgré moi. Je me suis habituée à croire que tout est foutu et à m’en foutre en haussant nonchalamment les épaules. J’ai appris à composer et passer les mailles du filet. Nos enfants lutteront juste pour survivre. Ils connaîtront le déclin de la civilisation, les cataclysmes financiers, la fonte des glaciers, le réchauffement climatique, la fin d’un cycle. Et ceux qui s’en sortiront, une poignée d’humains, recréeront probablement un nouveau monde. Quelque chose qui ait du sens enfin ? Et puis fatalement, inexorablement, tout recommencera comme une reprogrammation différée et éternelle. L’homme est ainsi fait qu’il ne peut se lutter contre sa propre perte.


Mon vieux sac kaki US est rangé dans un placard qui sent la naphtaline mais je crois bien que je vais le ressortir. Il n’y a pas de hasard si je m’habille tendance années soixante hippie dolls branchée. Je suis nostalgique de ce que je pourrais regretter sans l’avoir vraiment connu. Je fantasme sur une époque révolue à défaut de savoir vivre la mienne.  Finalement, je ne fais que suivre la mode  d’une génération en contradiction perpétuelle. Je n’ai pas été préparée à l’éclatement du monde comme un ballon gonflé à l’hélium. »


Larguée en périphérie de la zone politique et autres désordres organiques de Géraldine Beigbeder (chez Albin Michel)

Tag(s) : #Littérature
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