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MaBenzQuand j'ai parlé à ma chère mère de notre projet d'aller voir Joey Starr en concert, elle a esquissé une mine mi-sceptique, mi-inquiète qui a tout de suite – naturellement – déclenché une foule de questions dans mon esprit farouchement critique. La mine de maman m'en a rappelé une autre, que j'aurais préférée oublier. La tête de ma grand-mère face aux murs de ma chambre d'ado recouverts des trois idoles du bon vieux temps Zinedine-Joey-Jamel. Trio improbable et peu recommandable pour une jeune fille sage vivant dans une région de France arriérée. À l'époque, j'avais 15 ans pas plus et un amour démesuré pour ce qu'une jeune fille digne de ce nom ne devait pas aimer. Traduction: le foot et le rap. Avec le temps, la jeune fille a abandonné ses premiers amours, mais ne cessera pourtant jamais de les défendre coûte que coûte. Car ces trois destins made in sa France à elle l'ont amenée, de fil en aiguille, à découvrir les faits inavouables sommeillant dans l'ombre de cette France bien à vous. Aujourd'hui, avec son esprit de (fausse) « rebelle, rebelle » elle s'énerve un max quand les détracteurs d'hier s'éprennent soudainement d'un Joey Starr, formidable gueule cassée et tendre du magistral Polisse de Maïwenn et ne se réveillent que maintenant face au talent de ce type qui chantait jadis la vérité, celle qui n'a jamais été très bonne à voir...

 

« J'aime quand ça fâche » lâche un Joey en grande forme dans son nouvel opus Egomaniac. Moi aussi, j'ai ce faible. Alors forcément j'ai farfouillé dans mes trésors d'antan pour raviver mon énervement – toujours nécessaire en temps de crise – et esquisser au passage quelques pas de danses pitoyables que seul le flow suave de Joey peu inspirer. Le suprême « back dans les bacs contact » des NTM s'est naturellement réapproprié la platine et les paroles du crew sont revenues intactes, comme si hier encore on les avait chantés. Elles reviennent en mémoire, s'échappent des lèvres au moment même où les images de l'époque refont surface. Les clips, les lives et la société qui fout le camp. T'arrêtes de danser stupidement sur le flow de Joey, et tu te demandes deux secondes pourquoi l'époque à tant craint ces types au Seine-Saint-Denis style qui n'avait besoin ni de gang, ni de gun. Pourquoi elle peut encore les craindre. En écoutant les mots des NTM posés sur les maux d'une société qui datait déjà des années 90, un constat tragique fait surface : ce n'est pas ces deux jeunots hurlant un mythique et rageur « Mais qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu ? » qui effraye mais ce à quoi ils veulent « foutre le feu » justement. La suite disait un truc du genre « ce qui m'amène à me demander combien de temps tout ceci va encore durer ? »

 

Ça dure encore les mecs, désolé. Les ennuis de votre banlieue inconnue au bataillon de la France des années 90 ont définitivement déserté la petite lucarne. Quant aux intérêts des politiques à son égard n'en parlons même pas, ils sont inexistants. La banlieue a laissé sa place aux nouveaux malheureux de l'an 2000 : la classe moyenne victime majeure de la crise. Il y a dorénavant foule du côté de la barre des accusés, les dirigeants de ce monde ne sont plus les uniques coupables de cette agonie grandissante, ils se partagent les fautes avec les agences de notation fantômes effrayants et les spéculateurs sans scrupules. Les « sales rengaines » des NTM, elles, continuent de résonner, parce que le rap d'aujourd'hui n'a hélas ni la vibe, ni le phrasé et encore moins les valeurs de celui d'autrefois. Ces rengaines clamaient des égos trip enfumés parfois, des histoires de survie souvent, des rêves brisés par un système impotent à longueur de temps. Se les remémorer l'espace d'un moment ne fera aucun mal aux consciences meurtries et aux espoirs envolés. Joey n'a pas appris à la petite fille que j'étais à rouler un spliff ou à brûler une voiture mais à « penser » quoi qu'en pense mon entourage. Or il n'est jamais trop tard pour « penser » que NTM clamait une certaine vérité...

 

Paroles, paroles des NTM et souvenirs, souvenirs de toute une époque pour prendre conscience de la nôtre :

 


« Laisse pas traîner ton fils » Suprême NTM (1998)

Àl'aube de l'an deux mille
Pour les jeunes c'est plus le même deal
Pour celui qui traîne, comme pour celui qui file
Tout droit, de toute façon y'a plus de boulot
La boucle est bouclée, le système a la tête sous l'eau

 

 

« C'est arrivé près de chez toi » Suprême NTM (1998)

Le vent contraire d'un système impotent parce que trop lent
De tous temps pour les problèmes latents
Tant ignorés, sauf quand faut se faire réélire, mais attend y'a pire !
Si t'attends le réveil des foules, c'est que tu conspires
On nous tient à la gorge par le biais de grandes espérances
C'est comme ça que subsiste l'attentisme en France
Danse ce pays où on laisse passer l'intolérance
Sans se masser pour contrer les suppôts des survivants du passé

 

 

« Qui paiera les dégâts » J'appuie sur la gâchette (1993)

Quelle chance nous à donné l'état ? Ne cherchez pas,
intentionnel était cet attentat. Laisser à l'abandon
une partie des jeunes de la nation, ne sera pour la
France qu'une nouvelle amputation, car quand la faute
est faite, la fête est finie. Fini de rire, pire, j'ai
peur pour l'avenir, mais toi qu'as-tu à dire pour
contredire mes dires? Je n'invente rien contrairement
à ce que tu peux lire, pas de brodages dans mes textes,
pas de romance. Car je sais que notre pensée peut avoir
de l'influence. Quelle solution préconise-t-on? Mieux
vaut prévenir que de guérir dit le dicton. Mais de ce
cas précis si guérison il y a, souvenez-vous que c'est
à nos frais que seront les dégâts.

 

« Qu'est-ce qu'on attend ? » Paris sous les bombes (1995)

Ce qui m'amène à me demander,
Combien de temps tout ceci va encore durer?
Ça fait déjà des années que tout aurait dû péter,
Dommage que l'unité n'ait été de notre côté.
Mais vous savez que ça va finir mal, tout ça,
La guerre des mondes vous l'avez voulue, la voilà

 

 

« L'Argent pourrit les gens » Authentik (1991)

Il ne faut pas se méprendre
Asphyxiant les sentiments
L'argent pourrit les gens
Précisément en ce moment
Tous s'achète tout se vend
Même les gouvernements
Prêts à baisser leur froc
Pour une question d'argent
Avec une veste réversible
Suivant le temps

 

 

« Le Monde de demain » Authentik (1991)

Alors réfléchissez : Combien sont dans mon cas
Aux abords de vos toits
Et si cela est comme ça
C'est que depuis trop longtemps
Des gens tournent le dos
Aux problèmes cruciaux
Aux problèmes sociaux
Qui asphyxient la jeunesse
Qui résident aux abords
Au Sud,à l'Est,à l'Ouest,au Nord
Ne vous étonnez pas

Tag(s) : #Musique
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