La France n'est pas morte

Chaque matin, le calendrier affiche un jour nouveau, un jour de plus, un jour pour oublier les autres jours précédents. Aujourd'hui, le calendrier annonçait fièrement: jeudi 18 juin 2009. 18 juin? Cette date me rappelle vaguement quelque chose, une autre date, un jour pas comme les autres. J'ai beau chercher, je ne me souviens pas, à croire que j'ai la mémoire qui flanche. Quelques minutes plus tard, dans un coin excentré d'une ville perdue, des vieux de la vieille en costume affichaient avec fierté des médailles sur leurs poitrines peu vaillantes. Comment avais-je pu oublier une telle date?

18 Juin 1940. Des hommes et des femmes prisonniers d'un régime français légué à l'ennemi écoutent en cachette Radio Londres. L'atmosphère est oppressante, le danger se dissimule à chaque coin de rue, l'œil du voisin délateur n'est jamais très loin et la police française s'apprête à jouer à la Gestapo. Le Maréchal Pétain, nouveau chef du Gouvernement français, vient d'annoncer sa volonté de demander à l'ennemi allemand la signature de l'armistice. Les naïfs imaginent une paix chèrement payée, mais une paix quand même. Les autres s'affolent de voir la nation sombrée vers le nazisme et ses convictions nauséabondes. Soudain, le poste grésille, les hommes et les femmes regroupées autour de lui écoutent avec une oreille attentive. Une voix surgit de l'ombre. Elle deviendra la voix qui fera s'élever une nouvelle armée, l'armée des ombres. L'appel du Général de Gaulle est lancé dans la sombre nuit française.

La France libre est née Outre-Manche, sur les terres de sa majesté. Une autre France a pointé son nez ce 18 Juin 1940. Une France qui se bat, se dresse face à l'obscurantisme du régime de Vichy et l'horreur de l'Allemagne nazi. De Gaulle a négocié avec les Alliés britanniques la poursuite de cette guerre qui se montre comme "une guerre mondiale". Churchill avec lui, le Général s'empare du rôle de sauveur de la nation. Touche d'espoir, son discours est un appel fondateur à destination des soldats français mais aussi de tout un peuple laissé à l'abandon, orphelin des valeurs françaises. " Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas". La flamme allumée, en ce soir mythique, par le Général s'est embrasée sur le territoire français. Face aux délateurs et aux connivences exécrables entre Vichy et les nazis, des hommes de l'ombre agissent pour sauver la nation de sa dérive dangereuse. Pour Malraux, l'essentiel du discours se résumait en une phrase extraite du discours du Général: "La France n'est pas morte". "L'essentiel est là" précise t-il, dans cette idée formidable et égarée entre le désir féroce d'espérer en des jours meilleurs et la crainte infligée par l'acte simple d'espérer.

Dans un an, le calendrier affichera à nouveau cette date symbolique qui soufflera ses 70 ans. Et oui, 70 ans déjà. Cela semble loin, pourtant c'était hier, c'était l'apogée d'un monde nouveau, le nôtre. L'anniversaire est passée sous silence. Loin d'être médiatisé comme les commémorations du Débarquement, l'Appel du 18 Juin sombre peu à peu dans l'anonymat et dans l'oubli. Triste remerciement pour ce jour fondateur de la France libre, sans qui les Alliés n'auraient certainement pas pu débarquer sur les côtes normandes. Ce jour se clôt dans l'ombre du mois de juin 2009 avec le rêve prochain d'un anniversaire dignement célébré du prochain 18 Juin afin que la flamme née ce jour-là perdure dans un avenir incertain.