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1IMG 0027Chapitre 4

Féminin

 

      « Le truc qui me pose problème c'est les filles, et surtout : en être une.

      Les filles sont coquettes, elles donnent dans le dramatique pour attirer l'attention, rejettent qu'on leur court après, attisent la dispute pour se distraire et se rabibocher, bref font le contraire de ce qu'elles pensent pour obtenir ce qu'elles veulent. Et souvent – mais pas assez souvent – ça se retourne contre elles, parce qu'elles veulent jouer là où il faudrait un peu de sincérité. Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis.

       Les filles pensent que parce qu'elles couchent le premier soir et qu'elles ont un rapport « masculin » (c'est-à-dire de prédateur) au sexe, ça les rend plus désirables.

       Les filles regardent plus les filles que les garçons dans la rue. Elles guettent la menace.

       Parce que le désir des hommes est déclenché par des détails de l'ordre du fétichisme, la femme a besoin d'être rassurée constamment dans sa position. Elle a besoin d'attention. Elle a peur d'être détrônée par une autre femme qui posséderait des caractéristiques plus parfaites, s'approchant plus de l'idéal de l'homme.

       L'homme est toujours en quête d'une fille qui assouvit plus parfaitement son fantasme, tandis que la femme cristallise et rêve d'actualiser « l'amour parfait », comme on réussit sa tarte aux pommes ou ses soufflets au chocolat. Elle a besoin qu'on soit fou d'elle, envoûté, hors de portée des autres femmes.

       L'amour ça n'existe pas. C'est ce besoin féminin d'attachement romantique qui tente de convaincre les hommes rendus crédules par leur appétit sexuel. On leur ferait avaler n'importe quoi à la sauce lingerie coquine. C'est Juliette qui mène Roméo par le bout du nez. C'est elle qui complote, qui se tue (au moins en apparence d'abord) plutôt que de renoncer à son idéal. Roméo ne réagit que comme un mouton de Panurge. Il se laisse entraîner, il fait « comme elle ». J'aime bien ce slogan publicitaire pour une marque de margarine signé Emmanuel Kant : « La femme est comme une coupe d'argent dans laquelle nous déposons nos fruits d'or. ». Je suis assez d'accord avec l'idée que les femmes sont en argent et les hommes en beurre.

        La douleur s'atténue et je me demande si tout ce déchaînement d'affects n'était pas en quelques sorte le simple travestissement de mon amour-propre. Je me sens vidée de toute volonté amoureuse. Je renonce. Et je me demande si, au-delà du deuil du sentiment amoureux, ce n'est pas du deuil de moi-même qu'il s'agit. Je fais le deuil de mon corps, de la blessure narcissique infligée à ma chair... »

 

Roman à clefs d'Alizé Meurisse (Allia)

Tag(s) : #Littérature
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