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Un mec au physique salement amoché - dans la digne lignée de ce bon vieux Sid - débarque sur scène avec sa bouteille de pinard sous le bras. Il crie, le micro collé aux lèvres, comme un Jim période lubrique. Dandine son corps comme Iggy jadis pour finir par se dessaper au fur et à mesure que son chant apocalyptique prenne possession de la foule. A quelques mètres, dans l'ombre de la scène, trois ou quatres groupies en peignoir n'ont d'yeux que pour ce sale gosse en transe. Et l'ensemble de ce spectacle, qui semble comme touché par la grâce du diable, vous suffit pour (re)tomber en amour. Parce que cette vieille carcasse de junkie qui n'a aucun respect ni pour lui-même, ni pour le commun des mortels qui l'entoure, juste sa musique comme modèle de conduite, vous en rappelle tant d'autres. Des disparues. Des carcasses sorties des balbutiements du rock, des futures stars que des générations entières allaient coller sur les murs de leur chambre, décortiquer les moindres textes et gestes et les assassiner, un peu, lentement sur l'autel du mythe rock.

Fat White Family : affreux, sales et méchants

Les Fat White Family, groupe comme seule la scène anglaise est capable d'en produire, n'ont pas été corrompus sur cet autel de la déloyale célébrité des rock stars– et le seront-ils un jour ? On mettrait notre main à couper que « non, jamais ». C'est cette pureté crasse qui rend chacune de leur apparition diaboliquement jouissante pour une foule ombrageuse, éclectique, nostalgique des bons vieux temps du rock'n'roll. Gavés d'un carburant qui a déjà fait ses preuves par le passé, le combo infaillible de l'alcool et d'autres substances toxiques, ce crew de petits blancs débraillés semblent s'être carapatés des pages d'un Dickens. Leurs gueules fracassés, peaux sur les os et accents cockney transpirent les bas-fond londonnien, ceux-là même que le phénomène de gentrification cherche à tout prix à passer au karcher. Leur poésie sonne comme une déflagration, leurs guitares une arme de destruction massive, leur attitude un fuck à l'etablishement british – mondial ? Les Fat White Family c'est la langue et la braguette des Stones réunis, pas encore passés au karcher du fric. Nos boys ne sont pas des enfants de cœur contrairement à ce que laisse présager le titre de leur nouvel album « Songs for our mother ». Toujours moins provocateur que le « Champagne Holocaust » de leur premier opus évidemment. Mais ce n'est encore une fois qu'un pied de nez malin de sales gosses. A l'intérieur de cette bombe bien montée, 11 pistes d'insatisfaction chronique qui s'ouvre sur un long et divin morceau (« Whitest Boy on the beach ») qui laisse le temps à chacun (auditeur et groupe compris) de prendre sa place, de se renifler, de s'apprivoiser, de laisser l'instinct s'installer et faire le job. Au bout de cinq minutes, chacun est consentant pour la danse, l'échange. Pour ne plus mettre en sourdine la boule de rage qui bat en lui. La suite se passionne pour les ténèbres du fascisme. Fascisme allemand (« Lebensraum »), fascisme italien (« Duce ») : avec des titres pareils les garçons cherchent sûrement à nous choquer avec hier pour mieux nous confronter à cet aujourd'hui qu'ils s'attachent tellement à haïr dans chaque entretien. Mais tout cela n'est qu'une injuste interprétation d'un groupe qui se contrefout de toute tentative de morale. Dans le capharnaüm de leur rock sauvage, comme leurs aînés, les Fat White Family sont capables de décupler votre rage tenace avec des morceaux électrisants pour la dégommer l'instant suivant. Le soir de ce concert précieux et tant attendu à La Maroquinerie, l'instant suivant s'incarnait par une balade larmoyante, incroyable et stupéfiante ayant pour sujet Goebbels. Dans cette chanson Hitler en personne dit au revoir à son ministre de propagande. Le titre « Goodbye Goebbels » fait figure au cœur du concert d'une accalmie cynique en plein show brûlant. Sur l'album, elle le boucle. Elle met un point final inattendu à ce moment partagé au cœur d'un monde en plein chaos qui pue le souffre, comme un au revoir solennel entre camarades. Ouais, à la fin, on se sent camarade de ceux qui avaient illustré leur pochette de premier album avec un marteau et une faucille. Comme satisfait de savoir que ces insupportables garçons existent. Satisfait de leur cocktail explosif qui hurle à l'insatisfaction. Satisfait d'entendre de nouveau ce que le rock'n'roll doit toujours dire « We Must learn to rise ».

>> Ecouter Songs for our mother des Fat White Family ici

 

Tag(s) : #Musique, #rock, #fat white family, #rock anglais, #songs for our mother, #concert, #maroquinerie
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