Avant de briller derrière la caméra au côté d'une bande de copains, ceux de la Nouvelle Vague, Agnès Varda avait pour unique amour la photographie. Élève aux Beaux Arts dans les années 50, elle a pratiqué la photographie documentaire pendant plusieurs années avant d'embrasser une carrière de cinéaste. En 1962 quand elle décide de s'intéresser de plus près à la révolution cubaine, après avoir visionné le film de son ami Chris Marker « Cuba si », c'est avec son plus fidèle compagnon, son appareil photo, qu'elle décide de partir pour La Havane. La caméra est bien trop lourde et complexe pour une telle aventure. Son voyage au pays de Fidel Castro et du Che, elle le prépare auprès de l'Institut cubain des arts et de l'industrie cinématographique. La Varda impose son désir : elle veut rencontrer les artistes (peintres, cinéastes, écrivains) autant que les gens de la rue. Elle veut aller à la rencontre du peuple cubain et de ceux qui ont participé à la révolution. « Les choses changeaient, je trouvais leur idéalisme tellement beau » confie t-elle aujourd'hui.
Soixante-ans plus tard, ce changement marquant du XX ème siècle avant que l'Histoire ne vienne trahir, salir l'idéalisme des guérilleros s'expose au Centre Pompidou et dans un livre "Varda/Cuba" (aux éditions Xavier Barral ). Plein de petites photos en noir et blanc exposées sur des murs rouges sont rassemblées dans une salle au sous-sol du musée. Dès l'entrée, un portrait ambivalent de Fidel Castro accueille le visiteur. Le héros qui renversa le dictateur pro-américain Fulgencio Batista s'y trouve assis devant un grand mur, celui-ci forme d'étranges ailes de pierres. C'est la seule image « politique » de l'exposition. Varda préfère au leader de la révolution et ses compagnons de bataille, le peuple. C'est lui qui dicte à son appareil photo où se poser, quel paysage, quel regard capter. C'est lui par ses rires, ses voix, ses activités (elle photographie de nombreux travailleurs, ouvriers ou artistes) qui séduit l’œil de la jeune photographe. Des slogans sur les murs : « Un peuple qui étudie est un peuple qui se venge ». Un cigare qui flotte à la surface de l'eau. Des femmes armées qui gardent les boutiques. Des travailleurs dans des champs de canne à sucre. Des femmes qui dansent le cha-cha-cha. Des enfants hilares dans les rues. Une belle étudiante carnet en main qui marche. Varda capte, photographie, filme déjà la vie en mouvement. La joie de la politique capable de réveiller et libérer une petite île « en forme de cigare ou de crocodile » au choix.