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C'est un gamin haut comme trois pommes, dans sa poussette, qui dit au revoir à la caméra.

C'est un enfant de la fin des années 70 à qui on offre une fausse guitare.

C'est un gosse d'une blondeur angélique qui a le diable au corps.

C'est un adolescent typique des séries américaines, le mec un peu chelou, un peu bancal au fond de la classe qui n'est pas "cool" comme le collège en exige pour produire de bons petits américains.

C'est un enfant, un ado, un adulte qui se créent des personnages de toutes pièces, des complices plus fidèles que les parents, des complices à qui il destinera son dernier écrit.

C'est un père raide dingue de sa fille avant d'être un junkie qui la privera d'avoir un père.

C'est un extra sensible au cœur de l'Amérique, coincée dans son reaganisme et  sa société de consommation qui n'a pas de temps à perdre avec l'extra sensibilité de ses gosses. Pire même, qui l’exècre comme tout ce qui n'est pas raccord dans son décor sur-mesure d'American Way Of life.

C'est un fils qui aime ses parents mais déteste ce qu'ils sont : des divorcés, des remariés, de nouveaux parents.

C'est un gosse qui en rassemblera des millions, des comme lui et, ironie du sort, aussi des comme ceux qui l'ont mis à l'écart.

C'est un beau blond qui tombera fou amoureux d'une glorieuse blonde.

C'est un artiste à la cervelle en constante ébullition qui finira par la faire sauter.

C'est un paresseux qui matte la télé. Grattouille sa guitare. Crayonne des textes. Gribouille des dessins.

C'est un copain avec qui faire les 400 coups, casser des guitares, des amplis et se travestir en grand malade impotent un soir de 1993 au festival de Reading.

C'est un grunge fan des Beatles.
C'est un gamin dévoré par le succès, la dope et un monde de brutes qui le jour de son suicide ne laissera qu'une lettre d'adieu à Boddah, son ami imaginaire.

C'est un musicien qui citera un autre musicien avant de se donner la mort un soir d'avril 1994.

Montage of Heck - images d'archives de Kurt Cobain enfant

Montage of Heck - images d'archives de Kurt Cobain enfant

Ces deux derniers faits sont les seuls détails manquants et marquants du Montage of Heck de Brett Morgan. Deux détails qui participent au mythe Cobain, celui-là même qu'il haïssait. Cette étiquette embarrassante collée par la presse des ninetees qui rêvait, selon ses dires, de le voir aller jusqu'au bout du destin d'une vrai rock star : la mort. Mais Rock'n'Roll can never die dit la chanson de Neil Young citée par Cobain dans sa lettre d'adieux. Montage of Heck n'en n'est qu'une preuve supplémentaire. Comme le disait si justement l'artiste en interview, le visage perdu dans sa chevelure blonde, les yeux ailleurs, il est inutile de critiquer, disserter, expliquer la musique. (Même inutile de me lire). Juste prendre son MTV Unplugged In New York, appuyer sur « Play ». Et laisser faire. Laisser couler. Se laisser emporter par ce gosse et sa guitare. Comme Cobain se laissait couler dans ses pensées. S'emporter dans une expérience sensitive et unique. Montage of Heck appartient à son sujet. Il fait corps avec lui. Il est de le même trempe que Cobain : créatif et onirique. C'est un long voyage dans l'esprit de Cobain, de la rencontre de ses parents à sa rencontre avec la mort. Le voyage en entier tenait dans plusieurs cartons, déposés par Courtney Love dans un garde-meubles après son décès. Un trésor intact, accompagnée et validée par la progéniture du leader de Nirvana, qui a été déballé avec tact par le réalisateur. Pas comme toutes les merdes que la presse a déballé pendant l'âge d'or du groupe. Cobain qui avait du mal avec la vie en générale reprend vie grâce à la délicatesse du réalisateur mais surtout grâce à son étonnante production personnelle. Des chansons en vrac, des enregistrements audio de ses pensées, des vidéos de la vie quotidienne avec Courtney et Frances sa fille, des dessins par centaine et des pages et des pages de mal-être. Sous ses guitares fracassantes, ses dessins morbides, ses dissertations sur la mort, Montage of Heck n'idéalise en rien le mal-être de Cobain, qu'on voudrait propre aux rock star alors qu'il est juste un mal-être bien connu de tous ces gamins extra sensibles dans une société américaine guère tolérante. C'est un collage d'une vie furtive, celle d'un gosse des années 80 qui n'avait pas tout pour être heureux, juste la musique comme moyen de communiquer avec les autres mais surtout avec lui-même. Sur In Utero, dernier album de Nirvana, Cobain chantait I want to die and Kill myself, qu'il qualifiera de "joke". Montage of Heck dés-idolatre l'idole Cobain. Lui rend sa vraie carapace. Un clown souvent triste. Une rock star un brin parano qui voulait juste construire une famille et vivre de sa musique. Un extra sensible et lucide erratique qui n'aurait certainement pas aimé vieillir dans ce monde sur le déclin, lui qui disait le haïr dès l'âge de 7 ans.

Tag(s) : #Musique, #Cinéma, #Nirvana, #Kurt Cobain, #Courtney Love, #Montage of Heck, #Brett Morgan
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