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C’est un peu le bon jour pour écrire sur Françoise. Nous sommes le 8 août et c’est un 8 août 1958 qu’elle, la joueuse à vie, misa tout sur le 8 à la roulette et empocha 80 000 francs au casino de Deauville. Gain aussitôt dépensé au petit matin, 8 heures heure normande, dans l’achat du Manoir du Breuil, où elle passait alors ses vacances. Tout ça pour vous dire que des vacances, un été entier, sans elle est d’une tristesse infinie. « Sans Sagan, la vie serait mortelle d'ennui » avait pour coutume de dire Bernard Frank, garde rapproché du clan de l’écrivaine. On ne saurait guère dire mieux. 2014 fait sa fête au charmant petit monstre qui ne le fut jamais réellement. On fête l’anniversaire de cette petite musique particulière que chanta dans l’hiver frigorifique de 54 la plume de la jeune Françoise Quoirez. Son premier roman transpirait la chaleur, l’ennui de l’adolescence et les premiers émois, le tout dans un décor tropézien. Sacrilège pour l’époque corsetée et tristement bien-pensante. Françoise devient Cécile son personnage détachée et désinvolte. Rôle pour la vie. Tant pis si c'est pas raccord sur certains plans. Une vie à écrire et à essuyer les critiques parce que la Quoirez devenue la Sagan (nom emprunté du côté de chez Proust) joue sans s'en lasser avec les billets, la poudre blanche, la bouteille de Jack Daniel's et puis un peu beaucoup passionnément avec les sentiments. On retient ce qu’on veut de la Sagan. Je retiens la voix pas comme les autres, la mèche blonde, le Whisky, l’amour de la vitesse, le pas plus juste « ben quoi ! Ben oui ! Faut pas compliquer ! Faut dire les choses comme elles sont. On n'aime et puis on n'aime plus », et La Vie Immédiate volé à Eluard. Chacun à son image de la Sagan parce qu’elle débarqua à l’époque où l’image triompha sur la personne. Elle est à la littérature ce qu’est alors la Bardot au cinéma. Une nana au-dessus de toutes, imbibée de liberté et bousillé en quelque sorte par le mythe, l'époque. De la même veine, plus que l’œuvre, l'histoire ingrate des ingrates retiendra les éclats privés de ces femmes-là. Les tentatives de suicide de la Bardot et les accidents de voiture de la Sagan. Alors qu'il faut retenir la scène de La Vérité pour Bardot, hurlant un « vous n'avez jamais aimé » et la plume de Sagan envisageant la vie de sa jeune héroïne Cécile « Idéalement, j'envisageais une vie de bassesses et de turpitudes ». Si, seulement... Sagan dotée de cette coquine désinvolture à la Cécile n'était pas son héroïne. Il faut lire ses romans, ses portraits, ses reportages, ses entretiens pour le savoir. Sous son air désinvolte triomphait la lucidité et le pessimisme qui va de pair. Et de toutes les choses lues et relues par et sur Sagan, Je ne renie rien, recueil d'entretiens republié pour l'occasion chez Stock, semble la meilleure lecture pour prolonger son amour pour cette femme pleine d'amour pour les autres.

 

« Si tout était à recommencer, je recommencerais bien sûr en évitant quelques broutilles : les accidents de voiture, les séjours à l'hôpital, les chagrins d'amour. Mais je ne renie rien »

Ne pas renier son amour pour la Sagan

Bam. Voilà c’est dit. C’est la Sagan. Le petit monstre n’est plus, il n’a certainement jamais été. La charmante femme, elle, est toujours là. On l’imagine répondant aux questions d’un journaliste dans un appartement parisien. Clope au bec, mèche blonde tombante sur le visage et sourire gênée. L’image toujours l’image. Pas timide la Sagan, mais réservée. Pas hautaine mais courtoise. Pas nostalgique mais mélancolique. Je ne renie rien se présente comme un recueil d’entretiens mais en vérité il se lit comme une autobiographie à deux voix. Le journaliste n’est jamais le même, mais ça on l’ignore. Recueil brut sans indication de temps ou de personne, le livre rassemble quelques interviews de l’écrivaine entre 1954 (année de publication de Bonjour Tristesse) et 1992. Un interview au long cours. Le tout classé par tout ce qui fait une drôle de vie. L’amour, l’écriture, les amis, la drogue, l’engagement, l’argent. Pas de contexte mais des époques, des pensées, des arguments qui jaillissent avec une incroyable évidence. Sagan ne joue pas les intellos moralistes. Ce qu’elle déteste. Elle ne joue pas non plus à être ce que l’on veut d’elle. Elle répond, cause, cite, argumente et jamais n’esquisse. Peur de rien.

Elle qui a vécu tous les excès nous repose. Cette discussion nous écarte du monde. Peu importe où la lecture se fait. Dans un métro bondé, une plage abandonnée ou un jardin public, nous sommes avec elle, en Normandie dans son manoir du Breuil. Au coin du feu, peut-être, à causer d’un temps que les moins de 20 ans feraient bien de connaître.  Elle fait envie cette femme-là. Elle ne vous raconte pas d’inepties sur tout ce qui fait sa vie. Elle est la même qu’à 18 ans peut-être. Un peu moins insouciante mais d’une extraordinaire intelligence, doublée d’une lucidité extrêmement persuasive à chaque répliques. Il faut lire Sagan. La relire. L'entendre parler littérature, écriture, théâtre, nihilisme, peuple, riches, amour, tout brassé pour tout remettre à sa place. Il faut la placer entre toutes les mains pour que chacun s'amuse dramatiquement de ses pensées.

«  J'ai déjà dit que la vie est une sinistre blague. Cela ne veut pas forcément dire que je ne sois pas optimiste. Sinistre, c'est le drame et blague, c'est ce qui est amusant. Un drame amusant, c'est ça la vie, non ? J'ai acquis une lucidité gaie devant l'absurdité de l'existence. »

Je ne renie rien de Françoise Sagan chez Stock

Tag(s) : #Littérature, #Françoise Sagan, #Je ne renie rien, #Bonjour Tristesse, #Deauville
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