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Ami, tu n’entends plus rien. Abasourdi par un seul chiffre. Abruti par une gueule de bois. Par la gueule de ton pauvre petit pays comme le chantait un mec, jeune et con, à t’en donner des frissons. Le temps est à l’amnésie collective. Le rêve général, lui, est en grève pour une durée indéterminée.  Alors, obligée que tu es, tu rêves à la vie d’avant. Quand à 15 ans à peine, on t’’infligeait déjà ça. Déjà, larmes, colère, mépris. Déjà l’ignorance du problème. La difficulté à accepter, pardonner le mauvais geste des autres. Les autres s’étaient dit « ça va, je vais voter ça pour effrayer ceux qui ne m’écoutent plus ». Les autres avaient peur des autres. Les autres avaient peur pour leur boulot, leur maison, leurs enfants, leur petite vie. Peur illégitime à tes yeux d’enfant. Comme dans une chanson de Miossec, on était tellement de gauche. Parfois bêtement de gauche. Tes parents n’avaient rien de tout ça. Pas de maison à eux, parfois pas de boulot et jamais ils n’auraient commis cette faute. Cette faute amenant cette gueule à apparaitre à 20 heures piles ce soir-là. Entrainant nos visages à se décomposer. Se désarmer devant le choix extrême de ton tout pauvre petit pays. Dimanche soir, douze années de plus au compteur, les tronches étaient identiques. C’était triste. Mais le plus affligeant, au-delà du score extrême de qui on sait, c’était ce lot de mines défaites, à côté de la plaque. Les mêmes politiques. Le même présentateur. Les mêmes commentaires. Les mêmes yeux rivés sur la petite lucarne à subir la bêtise humaine. Seule la bête a changé de visage.  Il n’était plus question de vote illégitime ou non. « Tout le monde a ses raisons » disait l’autre. Et la raison majeure était qu’on avait laissé gagner, se répandre, l’idéologie du mal. Aussi coupable que les pensées abjectes, on avait abandonné la gamine du 21 avril 2002 qui chialait et se promettait bêtement « un plus jamais ». La bête a de nouveau gagné grâce à nous tous. Les votants aux pensées abjectes. Les votants mécontents. Les abstentionnistes. Les adeptes du « moins pire ». Les « laissons-faire ». Pire, elle a gagné sous le silence majeur d’une génération désabusée, la mienne, celle adolescente en 2002. Elle a grandi avec le front en tête. Comme une ombre prête à sortir de l’obscurité tôt ou tard. Et tôt ou tard, c’est cette génération qui payera les frais de son silence électoral. Alors en attendant l’impossible changement, en attendant le jour où les plateaux de télévision changeront un soir d’élection. Plus les mêmes vieux enchainés à leurs postes et leurs mensonges. Plus les mêmes journalistes adeptes d’effrayer la ménagère de moins de 50 ans. Plus les mêmes nous, seulement capable de mettre un bulletin de vote dans l’urne et de chialer le soir-même, incapable de faire plus, comme le firent les anciens « s’engager ». En attendant l’impossible, on entend des artistes s’engager. Chanter.

>> Le Vol Noir, Benjamin Biolay, 2014

En réaction aux scores des élections européennes (25% pour le Front National), Benjamin Biolay compose Le Vol Noir. Balancé sur Twitter avec un seul message : "Morceau inédit post soirée électorale". L'artiste reprend les célèbres vers du Chant des Partisans, écrit en 1943 par Joseph Kessel et Maurice Druon. Revisité par Biolay, l'hymne de la résistance goûte à la plume d'un songwritter cash où "le pays des lumières tombe sur le cul". L'artiste souhaite aux disparus qui nous ont délivré par le passé de l'horreur nazi d'avoir un bon masque de fer et un bon casque audio pour ne pas avoir écho du nouveau corbeau sur la plaine : le Front National.

>> Fils de France, Damien Saez, 2002

Au lendemain du 21 avril, la voix nasillarde d'un fils de France fait résonner son désarroi face à "l'amnésie suicidaire au pays des lumières". Damien Saez, jeune poète écorché vif, brillant jeune et con balance son hymne à la résistance. Avec lui, la jeunesse a trouvé la bande-son des manifestations pour contrer les "20 % pour l'horreur, 20 % pour la peur".

 

>> Marine, Diam's, 2006

2006. Le Pen père n'est plus dans le coup. Sarko, ministre de l'Intérieur, empiète sur les terres du Front et Le Pen fille commence à rallumer la flamme. Rien ne va plus au pays de Marianne. Dans un texte d'une sincérité à fleur de peau - comme bon nombre de ceux présents sur l'excellent Dans ma Bulle - Diam's raconte l'incompréhension de sa génération face à la montée de la Marine. Texte qu'elle rappe pour la première fois sur le plateau d'On ne peut pas plaire à tout le monde. La Mélanie des Ulysses crache avec la verve qu'on lui connait une lettre brute où elle emmerde le Front National et surtout invite Marine Le Pen "si pâle" à venir "faire un tour chez nous c'est coloré c'est jovial".

>> Message à Le Pen, IAM, 2003

Sur la planète Marseille, on n'a pas danser que le MIA. On a souvent dénoncer les dérives de cette France gagnée par la peur de l'autre, stigmatisant la banlieue et ses habitants. Logique donc que un an après le choc de 2002, IAM, les pères du rap marseillais, écrivent un message à Le Pen.  "Y'a rien qui change, Hitler aussi est passé droit avec voix, la voix du peuple, la voix maudite, celle qui tue l'humanité l'expression la diversité: ce que sont nos cités.La voie d'ceux qui veulent que la paix meurt, qu'on se divise pour nos couleurs."

>> Plus jamais ça, NTM, 1995

Du côté de Paris, NTM fait front. Tôt, très tôt. Dès 1995. Paris sous les bombes transpire la colère à venir des jeunes de banlieues, lasses du même schéma, lasses d'être pointés du doigts. Sur Plus jamais ça, le duo dresse un portrait peu élogieux de Le Pen père rappelant son action dans la Guerre d'Algérie et son programme nauséabond. Kool Shen est hardcore, Joey Starr use de son rire démoniaque mais surtout les deux petits gars qui effrayent les mairies FN de l'époque préviennent leurs auditeurs de l'urgence. "Stoppons l'hémorragie, cérébrale est l'embollie, vous avez compris, vous avez saisi, ressaisissez-vous, la jeunesse se doit d'être à l'heure, au rendez-vous, fixer, en effet, pour pisser sur la flamme tricolore, le putain d'étendard du parti des porcs, moi trop harcore ?

>> Nique le système, Sniper, 2006

Sans filet, Sniper nique le système. Le groupe ne fait jamais dans la dentelle et c'est certainement pour cette rage sans limite que leurs textes restent en tête... même dix ans plus tard. Ceux qui chantaient "la France est une garce et on s'est fait trahir, le système voilà ce qui nous pousse à la haïr" réitère l'expérience avec "Nique le système". Si dans cette chanson, le groupe s'en prend à l'Etat coupable de semer la haine, Jean-Marie Le Pen et son score aux élections de 2002 en prend pour son grade. "J'aimerai que mon majeur crève l'oeil de Jean-Marie".

>> FN, FN, Tténor

A la belle époque, Groove Magazine livrait chaque mois sa compilation, mêlant le must du rap US et français. La Compile Volume 19 ne m'a jamais quitté. . Un son répététif, un refrain qui colle à la tête et "un rêve français en fuite". Ttenor s'attaque avec subtilité - ça ne sera pas le cas de tous les rappeurs - à la recrudescence du FN et au quotidien des jeunes de banlieue. "FN FN grande patrie du rêve".

>> Le Front de la Haine, Keny Arkana, 2007

Citoyenne du monde, écoeurée du bleu blanc rouge et des partis, Keny Arkana s'attaque logiquement au "front de la haine"... sauf que cette chanson a été écrite pour répliquer à l'acte d'un sympathisant FN ayant détourné deux clips de la rappeuse pour en faire un rap anti Sarkozy avant l'élection de 2007.

 

>> Au bar tabac du populaire, Saez, 2013

La der des der. Peut-être la plus belle. Peut-être la plus forte à vivre en live. Livrée un soir de 14 juillet aux Francofolies. Pour faire sa fête à la nation, parce que le poète en avait envie, un verre à la main, de mettre son tout tout pauvre petit pays face à sa réalité. Le Bar tabac du populaire. La vie quotidienne où les horreurs sortent de la bouche des gens. Le tout sans réflexion. Où les bulletins de vote protègeront de l'autre. Saez n'est plus le Fils de France. Il ne la renie pas non plus. Il la connait par coeur, cette salope. Ses contradictions depuis des siècles. Pays des lumières et de la collaboration. Alors en bon poète maudit, il sonde les âmes aigries qui squatte le bar tabac du populaire. C'est livré comme ça, un soir de 14 juillet. Pas d'élection avant, pas d'élection après, pas une chanson dans le feu de l'événement. Juste un miroir posé face au public venu l'écouter ce soir-là. Un appel, un écho, un regardez-vous, un regardez ce que vous laisser-faire. Et de temps en temps, on ressasse ce texte. Cette beauté dans la laide réalité.
Alors mon ami je te dis :
Jusqu'à ma mort, pour mon pays,

C'est la lutte,
Mort au Fascisme,
C'est la lutte,
Mort au Capital,
C'est la lutte,
Petit bourgeois,
C'est la lutte,
Mort au combat,
C'est la lutte,
A nous mes frères,
C'est la lutte,
Enfant des terres,
C'est la lutte,
Pour l'étranger,
C'est la lutte,
On est tous français,
C'est la lutte,
Crois en l'échine,
C'est la lutte,
Au gré des salines,
C'est la lutte,
Mort aux petits rois,
De gauche à droite,
Aux petits rois,
C'est la lutte,
Mort aux petits rois,
C'est la lutte,
Mort aux petits rois.

Tag(s) : #Musique, #Politique, #front national, #Biolay, #delerm, #diam's, #Saez, #ntm, #iam
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