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Paradis c'est d'enfer, et ce n'est pas la tribu de connasses écervelées derrière moi qui m'empêchera d'apprécier pleinement ce concert tant attendu. La lolita sans âge n'a pas encore fait ses premiers pas sur scène que cette salle exclusivement féminine me pèse déjà sur le système. Les concerts sont parfois des moments difficiles pour les égos surdimensionnés en silence. Ils y réalisent combien des milliers de personnes peuvent être émues comme eux par des textes placés au dessus de tout alors que dans les faits ils n'ont rien en commun avec ces gens-là. C'est bien connu, les égos surdimensionnés ont le monopole du bon goût et refuse de le partager. Une petite voix intérieure apaise un cerveau à vif  " Fais ta connasse, fais abstraction de ce truc de gonzesses et des « Vanessa » stridents derrière toi, c'est comme si tu retrouvais les premiers chagrins, le premier amour, la chambre d'ado et Bliss, ce bijoux, à tue-tête ". Cinq musiciens se pointent dans l'ombre. Les espaces et les sentiments de Vanessa ne sont guère loin. Derrière cet immense paravent transparent où une fille éternellement divine se dandine comme dans des clips mythiques. Discrètement elle se faufile sur scène comme elle s'est faufilée dans nos vies à chaque nouvel album. La « natural high » éclatante. Le sourire du bonheur. La silhouette d'antan. Et le tour de chant débute sur Les Espaces et Sentiments. Welcome to the Paradis. La maîtresse de maison ce soir au Casino de Paradis, enchaîne les chansons. Economie de commentaires et de bavaradages, pas besoin de chercher les mots pour communiquer avec son public, les chansons et les sourires suffisent. Silhouette de lolita, voix sensuellement éraillée, Vanessa Paradis part à la reconquête d'un répertoire tant aimée par cette salle comble de la fosse au balcon. Profites.

Paradis c'est d'enfer

Pourtant, Mondays Sundays, Tu Pars comme tu reviens, Tandem, L'Incendie, Le Rempart, Que fait la vie... Ce répertoire file. Vanessa revient en arrière, à toute allure. À la vitesse d'un concert, à la vitesse d'une vie. De la sienne et des nôtres. Une fois au moins dans sa vie, de préférence la nuit, on aura réalisé combien cette fille-là est l'une des plus fidèles amies qu'on est connue. Berceuse et oreille attentive de milliers d'adolescentes ayant grandies avec le tube Joe Le Taxi sur la platine, la ritournelle When I Say dans la chaine-hifi et Dès Je Te vois je sais que c'est toi dans l'iPod. Génération Paradis. Toute une époque. Trois décennies exactement. De Bliss à Divine Idylle. De Variations sur le même t'aime à Love Songs, la quarantenaire revisite avec ses musiciens un répertoire incroyablement riche en émotions, sentiments, jeunesse, rythmes et hommes. Car si Paradis c'est d'enfer, c'est parce que derrière cette éternelle demoiselle il y a quelques grands hommes éphémères. L'ombre de Gainsbourg plane quand les premières notes de Tandem résonnent. Paradis fait tomber la veste, dévoile un corps de jeune fille, aligne les inoubliables M et les N et ondule comme dans ce clip sulfureux signé Jean-Baptiste Mondino. La salle a de nouveau 15 ans. Comme elle. Sundays Mondays clame le temps rock de Lenny Kravitz. Les déhanchements adolescents de Joe Le Taxi ont le goût de l'écriture d'Étienne Roda-Gill. Divine Idylle sent bon les rassurants tubes de Matthieu Chedid. Et puis il y a le dernier en date, celui qui griffonne le mieux sur les ruptures et les désillusions de la vie, Benjamin Biolay.

Paradis c'est d'enfer

Tapis dans l'ombre, il est là. Biolay a troqué son costume de chanteur pour son premier métier : musicien. Discret, comme à son habitude, il joue les hommes-orchestre. Son piano, sa guitare, son trombone, son violon ponctuent les chants de Miss Paradis. C'est lui qui a signé et arrangé en grande partie son dernier album, Love Songs. C'est lui que Vanessa Paradis désigne d'un petit signe touchant après avoir bouclé cette Chanson des Vieux Cons dans un noir et silence complet. Comme pour dire à son précieux public « c'est à ce type que je dois cette merveille, rien qu'à lui ». Pourtant c'est bien elle dans le texte. Séquence bouleversante d'un tour de chant bourré de tendresse et d'élégance, cette chanson – signé Biolay inévitablement – évoque la désillusion d' « une petite conne d'autrefois ». Le nid brûlé, en quelques minutes et cette croyance folle en toutes ces conneries qui « ne finissent pas pour la vie ». A l'évocation de ces quelques mots, cachant les maux communs, la salle entière a les yeux qui brillent. Paradis aussi. Rien n'est avoué mais tout est dit. La grâce de Biolay sublimée par une muse, l'essentiel est sur scène ce soir au Casino de Paris. Et on s'en tape de partager cette fille qu'on a tant aimée dans sa chambre d'ado. On s'en fout de ce public, du monopole du bon goût et de la variet chic ou pas. La musique brise les égos et se doit de pulvériser mes foutus a priori. Ces loves songs de 1987 à aujourd'hui ont le chic de tout assumer. Des tubes adolescents aux chansons incandescentes. Des danses endiablées de l'ado aux minauderies d'une muse qui s'amuse. Des mots faciles aux textes élégants. Cette fille sur scène ne renie rien, malgré ses débuts en pleine lumière qui dans l'ombre ont malmené une fille qui n'était encore qu'une enfant. Mi-ange, mi-démon, capable d'enflammer une salle avec le diabolique Mi Amor (signé Adrien Gallo) comme d'instaurer un silence de cathédrale avec Les Roses roses (sublime rappel en duo avec Biolay dans une ombre céleste) cette fille-là est et restera sûrement d'enfer. Touchée par la grâce d'une voix irrésistible, avec une oeuvre sculptée par des grands compositeurs, Vanessa Paradis insuffle à la chanson française un souffle quasi-irréel. A la portée de tous et pourtant au dessus du reste. On l'aime sûrement pour tout ça. Fille précieuse conçue pour bercer les chagrins et les bonheurs d'une vie. Le deuxième rappel ce soir-là fait définitivement le choix du bonheur. Sourire aux lèvres, voix brûlante, Vanessa fait décoller son public, le sol en tremble encore de ces mots-là. De ce Tu vois ce que je vois. Elle a encore la vie devant elle, et elle promet de nous faire la courte-échelle pour la voir. C'est un peu ça la Paradis, voir la vie de tout là haut, c'est drôlement plus divin. 

La Chanson des Vieux Cons

Tag(s) : #Vanessa Paradis, #Benjamin Biolay, #Love Songs, #Casino de Paris, #concert, #Gainsbourg, #chanson française, #Musique
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