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« Tu cherches la force, tu cherches l'émoi, tu cherches le parfait état, accroches-toi ». La chanson lumineuse de La Féline vient mettre un ravissant point final au récit filmique de Boris Barthes et Stéphanie Rouget, « Band de filles », documentaire présenté lors de la première soirée du Festival Les Femmes s'en mêlent qui se déroule à Paris et partout en France du 18 mars au 2 avril. La bande-son du générique de fin n'est pas un hasard. Elle formule ici une sorte d'encouragement. Comme une tape dans le dos affectueuse adressée à toutes les camarades artistes qui pratiquent la musique en « do it yourself » au quotidien pour percer, persévérer, vivre de leur art. Pourquoi encourager le deuxième sexe à bidouiller des sons, raturer des pages blanches et se casser la voix en 2016 ? Pourquoi lui réserver un festival où les femmes « se mêlent de musique », avec uniquement des artistes qui ont pour seul point commun ce sexe ? Pourquoi encore et toujours le même débat à l'heure où l'on parle de l'avènement d'une génération gender fluid ? Sinon parce qu'il est tristement d'actualité, ce débat. Ce super documentaire nous raconte comment cinq filles (Le Prince Miiaou, Robi, Cléa Vincent, Marie-Flore, La Féline) ne lâchent pas l'affaire, s'activent pour enchaîner les projets, rêvent de grandes scènes, de travail à plusieurs, de succès et pratiquent leur art avec ferveur et doutes souvent. Dans ce doc, dans les coulisses d'une scène musicale française indépendante et féminine, il n'est pas question de revendication de la gent féminine dans un monde encore très imprégné par le masculin mais plutôt et avant tout de revendication de l'artiste au sein d'une industrie musicale où il faut gagner, construire sa place dans la durée. Le débat qui suivit cette projection traitait plus frontalement de cette réalité difficile et parfois imperceptible de cette femme artiste souvent renvoyée à son sexe. La réalité n'est pas triste. Si l'on veut être pointilleuse, il s'agirait plus exactement de dire combien elle est exaspérante. Elle pousse une journaliste à écrire ce très bon papier sur Slate.fr sur le sexisme dans le monde de la musique, le Prince Miiaou à dire qu'elle n'est pas top model mais artiste et par conséquent n'a pas à être jolie pour devoir vendre des disques ou une programmatrice de festival à ne pas être prise au sérieux dans ses démarches. Bref, la réalité pousse la femme,  à se positionner en tant que femme puisqu'elle est constamment renvoyée à son sexe, par le sexe opposé comme par son propre sexe (c'est là, le vrai drame), renvoyée au « sois belle, chante et fait pas chier les mecs s'occupent du reste », si je voulais résumer brièvement et grossièrement.

Band de filles

En laissant la parole à cette bande de filles, le spectateur découvre l'envers du décor de la vie d'artiste. La vie en studio d'enregistrement ou dans ces petits appartements où elles testent foules d'accords et de paroles. La vie dans les loges ou à la scène où l'exceptionnel acte de créer se mêlent aux gestes du quotidien comme mettre la table pour son équipe ou boire des bières entre potes. Dans ce documentaire, Robi est l'une des rares à évoquer les garçons. Les garçons de sa bande à elle lui manquent quand une fois le concert terminé, eux rangent le matos et elle ne peut pas les aider et doit redescendre de son nuage tout doucement, toute seule avec sa cigarette d'après concert, la plus mauvaise pour la voix. On est une fille devant des filles qui ont décidé de s'emparer de ce champ d'action, la musique, où la mythologie voudraient que les filles justement soient cantonnées à baver devant les garçons qui caressent leurs guitares électriques. Ce doc nous prouve – rassurez-vous, on en était bien consciente avant ces images, le son de ces nanas suffisait à le savoir – que l'on peut être une fille et baver devant une fille, l'envier pour sa manière de fabriquer sa musique, son sens de l'humour, son intelligence, son animalité scénique, sa candeur ou sa force. Lors du débat, certaines d'entre elles se diront lassent de devoir apparaître dans la presse sous l'adjectif ou sous l'objectif de la beauté. La beauté, ce cliché. Ce doc répare l'injustice. Elles sont belles sous le prisme un peu bidon de l'intérieur, je vous l'assure. Elles assurent, elles assument. Leur manière commune de vivre de la musique, de bouger sur scène, de bidouiller les sons des heures et des heures, de fumer clope sur clope, d'empoigner une guitare, d'aligner leurs doutes ou leur douce folie. L'égalité est peut-être là : on pourrait être groupie d'elles, comme on l'est des mecs. C'est une égalité un peu maladroite, je le concède, mais c'est un début. A aucune moment dans ce documentaire ou ce débat, ces artistes ne se sont victimisées. Elles se sont juste présentées en témoins d'une sphère musicale bloquée, empêtrée dans ses clichés – comme bon nombre d'autres milieux. Et quand une invitée dans le public hausse un peu la voix pour dire que ces filles devraient s'en foutre de ce renvoi permanent à leur sexe au lieu d'élever la voix, que l'ignorance est la meilleure réponse à donner aux garçons et aux filles qui les traitent avec irrespect, on se dit que décidément oui, de tel doc ou un festival réservé aux artistes féminines, ont réellement leur importance en 2016.

 

Pour en savoir plus sur Le Festival les Femmes s'en mêlent rendez-vous par ici

Pour ceux qui ne connaissent pas encore ces superbes nanas, voici quelques titres à découvrir :

Robi

La Féline

Le Prince Miiaou

Cléa Vincent

Marie-Flore

Tag(s) : #Musique, #festival, #Les Femmes s'en mêlent, #Robi, #La Féline, #Le Prince Miiaou, #Cléa Vincent, #Marie-Flore, #Band de Filles, #Documentaire, #Histoires et pensées du Deuxième Sexe
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