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Jeannot s’est fait la malle. Ca veut dire que tôt ou tard la bande LEGENDAIRE du conservatoire au complet en fera autant. C’est pas bien grave. Si on fait le calcul, c’est même plus que logique. Des gens de 1930, ça donne des gens de 87 ans, si on est bon en calcul ça parait assez correct pour tirer sa révérence. En 2017, des bons vivants, des types moins médiocres que la norme ayant profité des trente glorieuses du cinéma français, s'en vont oui, logique, pas de quoi disserter, pas de quoi verser une larme.

 

Jeannot s’est fait la malle, c’est pas bien grave, on ne se connaissait pas, il avait juste l’âge de la personne que j’aime le plus au monde et il était juste ce type maladroit sur un cheval qui tentait de séduire une femme à tomber par terre. Il tombait par terre d’ailleurs. Et hélas, je l'avais trop visionné. Ca suffisait amplement à être nostalgique pour 24 heures, voire 48. Cette disparition et l’annonce certaine des suivantes n’était qu’un rappel banal, un brin douloureux quand on compile sensibilité et cinéphilie : l’enfance, l’ennui provincial, la première fois à contempler Etienne Dorsay « smatcher comme une patate », la seconde fois à partager ce moment avec l’autre personne qu’on aime le plus au monde, toutes ces choses précieuses étaient loin, déjà. Certainement les années accumulées avaient magnifié ces scènes d’Etienne Dorsay en peignoir sur un immeuble haussmannien. Certainement il avait été très con de se dire ado devant une énième diffusion d’Un Eléphant que se reproduire serait chouette juste pour la perspective de faire vivre ces moments-là à ses enfants, partager des films juste pour ça, des crises de rire monumentales à deux sur un canapé familial rivés sur les infidélités de quatre types médiocres, que le cinéma d’Yves Robert et les mots de Jean-Loup Dabadie avaient immortalisé à tout jamais. Sur la médiocrité Jeannot disait d’ailleurs : « Moi, c'est la médiocrité qui m'exalte, qui stimule mon imagination ». Sur son envie de cinéma, Jeannot disait aussi : « «Je le dois à l'ennui provincial, atroce. C'est en allant voir, sous le crachin nantais, Gary Cooper au cinéma, que j'ai su que c'était ça, la vraie vie.»

Courage fuyons

Jeannot et les siens c’était pas la vraie vie, c’était doublement plus élégant et drôle que la réalité. Mais quand tout foutait le camp, tu avais juste à lancer les tribulations de Jeannot et de son pote Belmondo en Chine, écouter la vie de grands ducs menée par Jeannot et ses potos Noiret et Marielle ou le voir cavaler pianiste de génie auprès de jolies femmes et le charme opérait, la vie reprenait. Peu importe le crachin de la vie, Jeannot devenait notre Gary Cooper à nous.

 

Du coup Jeannot a foutu le camp, et on a regardé un Jean Rochefort qu’on avait jamais vu jusqu'ici, et pourtant c'était le Jeannot de toujours, l'adepte du costume du garçon sans courage mais classieux pour l'éternité. Le titre disait : Courage fuyons. C’était un peu ce que j’avais envie de faire quand parfois cette sensation d’être un Finkielkraut de la culture me gagnait. Non, ce n’était pas mieux avant. Il n’y a que les soirs de décès de seigneurs du cinéma français et de crises de nostalgie où il est permis de penser - et encore j'ai un doute sur la permission - comme Finki que le meilleur appartient à hier. Alors le soir est venu, et j’ai fui à vélo avec Jeannot et Deneuve dans la fleur de l’âge tous les deux. De nouveau sous la caméra du camarade Yves Robert, Jeannot incarnait un garçon sans courage - ce qui le conduisait dans une scène magique à casser sa voiture si chèrement payée en compagnie des manifestants de mai 68, le tout sous les yeux éberlués de sa famille bourgeoise. Mais pour rester auprès de sa divine blonde, Jeannot usait à merveille du mensonge, continuait à gagner du temps par la beauté de ses monologues épatants et hilarants. Courage fuyons n'avait certes pas la grandeur d'Un Eléphant ça trompe énormément, non, il avait juste Jean Rochefort en tête d'affiche. Ce type léger à l'écran, passablement inquiet en coulisses, un anxieux cavaleur et beau parleur, un type - attention minute Finki -  comme on en fait guère plus sur grand écran et dans nos rues. Un type "sensas" même dans les films moyens. Ce garçon vieux avant l'heure avec sa moustache, dont on se foutait qu'il soit courageux puisqu'il avait comme qualités premières d'être classe et drôle à souhait, comme tous ses camarades du Conservatoire d'alors. Cet éternel garçon beau autrement qui, avec beaucoup de dérision confiait aux spectateurs avec cette voix inoubliable et hautement sérieuse : "Vous qui pénétrez dans mon coeur, ne faites pas attention au désordre "...

Tag(s) : #Cinéma, #Jean Rochefort, #Yves Robert, #Jean Loup Dabadie, #Un éléphant ça trompe énormément, #courage fuyons, #belmondo, #bedos
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