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J'ai un sixième sens pour ça. Les ruptures. Le moment où quelque chose va se briser. L'instant irrémédiable. Alors oui, vendredi soir, en « jeune internaute en manque de dérapages » j'étais face à Nicolas Bedos comme tous les vendredi soir depuis quatre mois. J'étais au rendez-vous comme d'habitude. Hélas, à l'instar des autres soirées, j'ai senti de suite que j'allais être témoin de ce que je nommerai un « beau moment de télé ». Le moment où les mots d'un chroniqueur talentueux disparaissent à jamais du petit écran. Adieu petit PAF sclérosé !

 

Sixième sens féminin peut-être, toujours renvoyée aux affres de ce « deuxième sexe », j'ai compris d'entrée de jeu que Nicolas allait nous quitter. Le regard n'était plus le même, les yeux verts pétillants avaient laissé place au regard lasse d'un type pris dans la fulgurance du succès. La voix n'était plus la même non plus, FOG l'a annoncé malade et pourtant la voix du jeune premier semblait plus exténuée que souffrante. Nicolas Bedos ne pétillait plus. La chronique assassine, elle, excellait toujours. Mais cette fois-ci, entre quelques Lexomil, elle nous contait une histoire peu commune pour un homme peu commun comme lui : « De la difficulté d'être un provocateur dans une société aseptisée ». Beau sujet.

 

Nicolas Bedos-copie-1

Ah le noble provocateur, chéri des uns et ennemi des autres ! Dur métier qui n'est, rappelons-le, pas le premier métier de Nicolas Bedos. Mais est-ce bien un métier de provoquer l'opinion publique ? De la mettre face à ce qu'elle a de plus abjecte ? Ces bassesses sont de toutes sortes. D'une part, il y a moi, petite pétasse inassumée qui ait vouée un culte à Bedos comme tant d'autres sur la Toile où depuis plusieurs mois on était tous là à le sacrer roi des agitateurs cyniques et dérangés. Sur Twitter ou sur Facebook, sur les blogs ou dans des journaux prestigieux, on s'empressait partout et tous de crier « Gloire au roi Bedos ! ». Puis d'autre part, il y a les autres, ceux de l'autre Toile qui n'ont pas supporté les mots de Nicolas Bedos, ou plus exactement ceux qui n'ont pas vu d'un bon oeil les maux que pouvaient soulever la plume inestimable du jeune prodige dans ses chroniques. D'un côté idolâtrer, de l'autre mépriser. C'est là, d'après moi, la marque des grands génies : ils ne font pas l'unanimité. Or le premier métier du génie en question n'est pas humoriste comme papa, provocateur comme on aime à le définir, ni même chroniqueur. Non, le premier métier du jeune Nicolas est écrivain. Et contrairement à ce que l'extrême majorité aime à penser, Nicolas Bedos n'aime pas écrire des choses légères. Flaubert, Nabokov, Musset et Stendhal sont ses livres de chevet, on a donc vu plus légers comme lectures. Et j'ose espérer que ceux qui ont vanté les mérites du jeune chroniqueur auront été dévoré quelques pages du jeune écrivain (Le Voyage de Victor notamment), car celles-ci ne sont pas moins intéressantes ou moins distrayantes, elles sont d'un tout autre genre. D'un genre qui ne trompe pas, qui ne nuit pas à la vérité : Nicolas Bedos n'est pas un usurpateur.

 

Dans un « PAF Druckerisé », Bedos incarnait un Zorro des temps modernes, une espèce de Che Guevara des beaux quartiers, cyniques et arrogant en parfaite adéquation avec son temps. Désabusé par la gauche et par la droite, amusé par les histoires de pouvoir et les cadences infernales du PAF, ironique sur les uns et sur les autres (et surtout sur lui-même) Nicolas Bedos nous sauvait de la pensée qu'on nous impose à longueur de journée : manier la langue de bois, les mecs, comme ça vous continuerez de vous faire *******. Enfin quelqu'un venait nous délivrer des pensées impertinentes que tout le monde pensait tout bas mais n'osait dire tout haut.

 

Je sais d'avance que mon propos en fera sourire plus d'un. La chieuse avec ses dandys cyniques de pacotille commence sérieusement à en gonfler plus d'un, j'en ai conscience. Pourtant ces types-là, « ces connards » dont la plume est nettement moins mensongère que celles de bon nombre de nos politiques, voire de nos journalistes (???), sont des petits génies de leur époque médiocre dont il ne faudrait pas priver nos petits esprits étriqués. Alors ce soir, mon âme de midinette, j'avoue, est bien triste de se dire qu'il est fini le temps de « La Semaine Mythomane de Nicolas Bedos », qu'elle ne pourra plus se rincer l'oeil sur ce type charmant. Mais mon âme de midinette n'est heureusement pas celle qui me domine. C'est à mon âme de citoyenne que les tirades flamboyantes de Nicolas Bedos vont le plus manquer. Celles qui revenaient chaque vendredi soir dans la bouche d'un jeune type sacrément désopilant, intelligent et talentueux. Le jeune type a pris la décision de tirer sa révérence , tel « un super connard », oui, Nicolas Bedos a décidé de mettre fin à l'histoire de 13 chroniques délicieusement « méchantes ».

 

« La véritable transgression ne serait-elle pas de quitter la place en plein milieu du buzz ? ». Je craignais cette phrase depuis le début. Comme chacun craint le moment crucial et inévitable de la fin d'une histoire d'amour. Nicolas Bedos nous a tous plaqué, et en direct en plus, le beau salaud ! Tout ça sous le regard abasourdi de Thierry Ardisson, sous les yeux peinés de FOG et face à des millions de spectateurs devenus orphelins en l'espace seulement de 10 minutes. Comme une autre idole en son temps, un autre provocateur autant aimé que détesté, Nicolas Bedos a sorti le chèque fait par FOG pour la prochaine saison pour le brûler en direct sous l'oeil avide des caméras. Un coup de briquet comme Gainsbarre et le tout était joué. Envolé en fumée les promesses de nos belles soirées pour 2011 avec Nico. Voilà c'est fini la comédie. Les histoires les plus courtes sont toujours les meilleures, il me semble. Ce fut bref mais intense. Cynique mais instructif. Hilarant mais intelligent. Arrogant mais généreux. Puis surtout ce fut une beauté de lucidité ces semaines de douce mythomanie.

 

Un jour, sur Twitter, Nicolas Bedos avait eu cette jolie réponse à un de mes (trop) nombreux tweets désabusés. « On peut être déçu par des hommes mais jamais par ses héros littéraires », tweet auquel le « mythomane » avait rétorqué : « Sauf lorsqu'ils deviennent des hommes, je vais rester tout en papier alors ». Peut-être que vendredi dernier, Nicolas Bedos en aura déçu plus d'un (ou d'une). Moi, en inéluctable groupie de merde, Nicolas Bedos ne m'a pas déçu, et à la télé ou en papier il gardera toujours mon admiration. En héros littéraire impeccable il m'a confirmé une nouvelle fois combien il était grand. Car ce coup de théâtre majestueux que certains, je n'en doute pas, s'empresseront de persifler, est un acte que seuls les plus grands sont capables de commettre. Lui, « le fils de », « la belle gueule du PAF », « le Che Guevara du 3ème arrondissement » n'a pas usé du filon « je surfe sur mon succès » contrairement à d'autres. Nicolas Bedos tire sa révérence de la plus des façons qui soit, et tout ce qui nous reste à faire, nous modestes orphelins de la provocation, c'est de dire avec sincérité : « Merci M'sieur pour tout ce bonheur et toute cette prise de conscience jetée en pleine gueule ». On en avait grand besoin.

 

 

Tag(s) : #Télévision
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