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J'en ai accroché des visages dans ma chambre d'enfant. Elle en fut certainement l'un des premiers. Juste au dessus de la table de nuit. Avant les actrices d'aujourd'hui, avant les écrivaines d'autrefois, sur ces murs il y a avait donc Marilyn, personnage privilégiée de mon enfance. Allez savoir pourquoi. Je déteste les blondes. J'ai en horreur cette féminité «  art de la putasserie » avec laquelle mon sexe doit vivre et se débattre  jusqu'à la fin des temps. Je hais ce que le regard des autres fait de nous. Tout ce qui a fait Marilyn Monroe me révulse au plus haut point. J'ai dû l'aimer inconsciemment pour ça. Parce qu'elle s'est laissée prendre au piège d'une époque, d'une patrie assoifée d'hyprocrisie, des hommes et de son sexe. Et qu'elle n'a jamais réussi à échapper à ses bourreaux. Encore aujourd'hui, elle n'est encore que ça. On tente encore de la posséder, la déposséder d'elle même dans des livres, des documentaires, des produits bas de gamme. Comme à l'époque des studios, Marilyn incarne la poule aux oeufs d'or. Et le spectateur épris de destins brisés participe à cette mascarade ancestrale. Un demi-siècle après sa mort. Les fêlures de la blonde platine continue à faire vendre un corps qui ne demandait juste qu'à être une identité.

 

marilyn-monroe.jpgCa doit bien faire 15 ans, voire plus, qu'elle est là. A côté de mon lit d'enfant. En noir et blanc. Une Marilyn en tutu. La photo fut prise par Milton H. Greene, un jour où excédée de l'image que les studios et tout Hollywood avait d'elle, Marilyn s'envola pour New York, ville intellectuelle, terre d'accueil où l'Actors Studio et Lee Strasberg ferait d'elle une bonne actrice et gommerait à jamais l'image la blonde stupide fantasmée par les studios. À New York, elle demanda à son ami photographe, Milton H. Greene, de réaliser une séance photo où elle pouvait apparaître telle qu'elle était. Telle qu'elle aurait voulu qu'on la voit. Mais personne ne voulait la voir ainsi. Autrement qu'en aimant à désir. Autrement qu'en « pute pas en actrice » comme le pensait sèchement John Huston sur le tournage de The Misfits. L'image de comédienne qui paye de sa personne & de son corps pour faire venir des millions de spectateurs mâles se rincer l’œil, Marilyn ne l'effaça jamais. Cette image la conduisit à faire entrer une inconnue chez elle, au 12305 Fifth Helena Drive de Brentwood un soir d'août 1962. La Mort sonne à la porte de Norma Jeane et en voyant son nom sur cette livraison express, ce cadeau du ciel, elle ria et signa sans hésiter. Longtemps, pour continuer à s'exciter sur cette pauvre petite fille, on pensa que la Mort avait pour visage l'un des Kennedy. Bobby plus exactement. Mais avec l'approbation de John. Mais la solution a la légende autour de Marilyn n'était ni dans les complots politico-mafieux, ni dans la psychanalyse qu'elle pratiquait avec passion ou désespoir. Le sait-on vraiment. Non, l'extrême vérité se logeait dans la fiction. Dans l’époustouflant Blonde de Joyce Carol Oates. Ce 5 août 1965, au 12305 Fifth Helena Drive de Brentwood ce n'était que la délivrance qui sonnait à la porte de Marilyn Monroe née Norma Jeane Baker. Cette délivrance qu'elle avait côtoyée auprès des lectures de Schopenhauer : « Celui qui se donne la mort voudrait vivre. Il n'est mécontent que des conditions dans lesquelles la vie lui est échue ».

 

C'était l'année 62. C'était la Cité des Anges. L'aveuglante innocence des sixties et de sa décennie tôt ou tard mortelle pour tous. Les Kennedy, Martin Luther King, Marilyn était de ceux-là. Des icônes. Tribu sacré et varié dont l'étrange point commun est d'être devenue propice au fantasme et à la mélancolie. Une troupe qui peuple nos livres d'histoire, étals des librairies et grands écrans. En leur compagnie, Marilyn a contribué à fabriquer une histoire que l'on voudrait notre. Une histoire qui derrière ses paillettes et ses fantastiques discours a composé les heures les plus sombres de notre histoire. Leur heure de gloire signait le début de la fin. Le début d'un monde qui ne finirait jamais par arriver. Ce monde est mort. Tous ont été assassinés. Tués par la main de l'homme d'une façon ou d'une autre. Sacrifié sur l'autel du rêve américain. La vie de l'époque n'était qu'un leurre. Que la mort de Marilyn et de ceux qui suivirent écorcha salement. Sous l'extrême propreté des films des studios sommeillait le pire. Qui un jour s'exprima sous le plus beau visage que Hollywood connu, créa et abandonna. « Seule la fiction donne accès au réel ».

 

 

" Vous êtes des menteurs. Vous et votre pays de cocagne. Votre liberté. Je vous déteste. " Marilyn Monroe dans The Misfits de John Huston (1962)

 

Quelques uns de mes (nombreux) post sur Marilyn au cinéma ou en littérature :

Blonde ...

Marilyn n'est pas morte...

Misfit d'Adam Braver : une nouvelle biographie de Marilyn Monroe plurielle et romancée..

Les désaxés d'Arthur Miller...

Enième dernière séance...

Marilyn and John...

Il était une fois en Amérique...

Tag(s) : #Actualités
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