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Tous les mercredi, le cinéma français fait pleurer dans les chaumières ou au pire des cas tente de vous faire rire avec des comédies lourdes dingues que même les ricains ne voudraient pas. Bref, c'est pas souvent la joie dans la salle obscure française alors quand une jolie petite sucrerie parfaitement dosée en drôlerie et fantaisie pointe le bout de son nez sur l'écran, on salut la modeste petite merveille. La merveille en question se prénomme Les Émotifs anonymes, a priori pas trop gai comme sujet, vous imaginez déjà des pauvres types dépressifs en cercle dans une pièce miteuse se racontant leurs phobies loufoques. On a déjà assez de notre époque pour nous rendre dépressif, penserez-vous. Pas faux, pourtant ces émotifs anonymes sont loin d'être des gens tristes, bien au contraire, de leur timidité maladive se dégage une belle envie de vivre et réussir à dépasser leur peur...

 

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Les Émotifs anonymes raconte une histoire vieille comme le monde. Un homme, une femme et des chabadabada. Elle c'est Angélique. Lui c'est Jean-René. Elle a le visage d'un ange, et exerce le métier de chocolatière (en cachette) quand elle n'est pas à ses réunions d'émotifs anonymes. Lui est le patron bourru d'une chocolaterie sur le déclin quand il ne passe pas son temps sur le canapé de son psy. Ces deux timides pathologiques vont se rencontrer (du moins vont essayer) sur leur lieu de travail : la chocolaterie de Jean-René. Bien évidemment, comme la vie est bien faite dans les films, ces deux-là vont tout de suite se plaire beaucoup mais pour s'avouer de tels sentiments et les vivre au grand jour quand on est un « émotif anonyme » l'affaire se révélera plus difficile...

 

Si cette romance de deux émotifs anonymes fonctionne à merveille c'est d'abord par la grâce de ces deux interprètes, l'alliance magique d'Isabelle Carré et de Benoît Poelvoorde. L'actrice rayonne dans ce rôle de timide maladive, déambulant de scène en scène comme une petite fée, prête à croquer la vie et à faire le bien, rappelant dans les jolies vignettes où elle pousse la magique chansonnette « J'ai confiance en moi » la grâce d'une Julie Andrew au temps de La Mélodie du bonheur. Quant à Benoît Poelvoorde, son acolyte maladif, il demeure toujours aussi excellent dans ces rôles de type un peu bougon mais aux défauts incroyablement attendrissants. Certainement au sommet de son art lorsqu'il entonne le magnifique « Les yeux noirs » pour sa belle blonde.

 

Vous l'aurez compris, on pousse souvent la chansonnette dans Les Émotifs anonymes, une vraie mode dans le cinéma français qui en énerve plus d'un, mais qui ici s'avère très agréable de naturel, en parfaite adéquation avec le décor rétro conçu par Jean-Pierre Améris, le réalisateur. Nos deux amoureux sont plongés dans un univers ultra-stylisé, qui n'est pas sans rappeler celui de notre très chère Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet. Une atmosphère presque irréelle tellement la seule imperfection perceptible est justement la phobie de ce couple improbable.

 

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Le film de Jean-Pierre Améris est un conte qui « fond de façon si subtil » comme le chocolat tant aimé de nos deux tourtereaux. Un joli conte avec de beaux personnages dans une contrée fantasmée où le chocolat est roi. Ah le chocolat, c'est l'autre point commun que partagent nos deux amoureux : « Le chocolat c'est toute ma vie » confie la douce Angélique à ses camarades émotifs lors d'une réunion. Mais attention Angélique ne chérit pas n'importe quel chocolat : elle son truc c'est le chocolat des grands pâtissiers, celui qui a du goût, celui qui agit « contre l'amertume », ce chocolat qui n'est pas une minable sucrerie comme les autres. L'amour de sa vie (le chocolat) va lui permette de rencontrer le grand amour de sa vie (Jean-René). Ce dernier l'embauchera sur un quiproquo (Angélique sera embauchée en tant que représentante commerciale, un comble pour une timide), s'en suivra alors un nombre affolant de quiproquos tous plus délicieux les uns que les autres, à l'image du chocolat fabriqué par la douce Angélique.

 

Nos deux personnages échappés d'un conte d'antan flirtent sans cesse avec la tendresse et l'humour d'un sujet plutôt grave : la phobie sociale. Cette timidité maladive qui empêche certains êtres de réussir, ce qui est notamment le cas ici d'Angélique qui échoue à un brillant examen à cause de sa peur. Aussi si cette phobie catastrophique, qui ruine parfois la vie de certains, séduit ici œil et esprit c'est parce qu'elle est traitée sur le mode humoristique. Les personnages et leur peur commune sont croqués d'une amusante manière : Jean-René reçoit des exercices improbables de son psychiatre comme « inviter une femme à dîner », exercice auquel il s'empresse de préciser « être seul avec une femme c'est une vraie torture ». Une torture qui l'oblige à changer de chemise toutes les cinq minutes ! Aussi par ces petits détails gentiment ironisés, cette comédie romantique, à la confection attendrissante, laisse entrevoir une probable phobie sociale chez bien du monde. Car pendant ces 1 heure 20 de scénettes succulentes peut-être vous retrouverez vous aussi un ou deux points communs avec Angélique ou Jean-René. Peut-être avons-nous en nous un peu de ces émotifs anonymes. Mieux vaut ne pas répondre à cette interrogation et s'enfiler une boîte de chocolat pour l'oublier !

 

 

 

 

Bande-annonce Les Émotifs anonymes

Tag(s) : #Cinéma
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