Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

J'ai presque 23 ans, ici. J'ai en poche un Baccalauréat Littéraire, un Deug de Lettres Modernes et une Licence Professionnelle Lettres, Culture et Nouveaux Médias. Mes biens se résument à une modeste twingo, un tonne de fringues (j'avoue), une bibliothèque pleine à craquer et une modeste chambre chez papa et maman. J'ai quelques économies sur mon Livret A, une dédicace de mon auteur préféré et aucun bijou de valeur. Je trouve ça tout à fait correct pour mon âge. Je ne m'en plains pas. J'ai aussi ma tête, une ribambelle d'idées et d'idéaux. Et aujourd'hui, j'ai reçu mon dossier pour le Pôle Emploi. Il faut bien une petite faille dans le parcours...


Il a 23 ans, là bas. A quelques kilomètres, plus au nord. Lui aussi a un Baccalauréat Littéraire en poche. Il a redoublé sa première année de Droit, puis sa deuxième. Mais il est bien parti pour obtenir sa Licence et plus même... Ses biens, je ne les connais pas, mais je les imagine. Sûr, il possède un scooter gentiment retrouvé par la police de son papa. Je suppose que sa garde robe n'est pas issue des présentoirs de H&M. Non, il va certainement s'habiller de l'autre côté du boulevard, aux Galeries, histoire de savourer une petite coupe de champagne en plein milieu de l'après-midi. Je me plais à imaginer qu'il a également plus qu'un Livret A et qu'une bibliothèque. Chez lui, cela doit être le grand confort, il n'a pas épousé la petite fille de Darty pour rien. J'ai la certitude qu'il a, lui aussi, une tête et une ribambelle d'idées et d'idéaux. Et c'est noble et respectable pour son âge. Par contre, j'ose penser que le dossier du Pôle Emploi il ne le recevra jamais. D'une part parce que son papa aura tué La Poste avant, mais aussi parce que, grâce à papa (encore lui, je sais), il n'aura aucunement besoin de ce foutoir (pardonnez-moi!) qu'est le Pôle Emploi.


 

 

L'autre jour, devant le spectacle éblouissant mais écœurant donné par les Galeries Lafayette du Boulevard Haussman, est survenue cette pensée dans le chaos luxueux: « On ne peut pas en vouloir aux riches d'êtres riches ». C'est juste. Même complètement vrai. Bien sûr que non, on ne peut leur en vouloir. Il est aucunement question de taper sur les mains des riches, de les empêcher de s'acheter du Prada et de se parfumer au Dior. Il s'agit juste d'une question de décence. Dans un monde où plus rien ne va, où les valeurs volent en éclat sous le poids du fric et du paraître, l'humble citoyen ne demande que de la décence. Oui, je crois que c'est ça. A vrai dire, ce jeune homme de 23 ans est plutôt charmant. Okay, j'avoue, il est même très craquant. Probablement sympa, une fois débarrassé de ses tics insupportables issus, très certainement, d'un parent éloigné. Un bon parti même me dirait ma grand-mère. Mais... Au XXème siècle, après maintes révolutions idéologiques, sexuelles et violentes, est-il possible que notre chère patrie ne fonctionne que par l'état civil et non par les actes et les résultats?


Bonne question. J'imagine un scénario. Et si on revisitait La Vie est un long fleuve tranquille, si une infirmière avait malencontreusement échangé les bracelets de naissance de deux nouveaux nés. Il serait né ici, et moi là-bas. Lui, Groseille et moi, Le Quesnoy. La grande classe. Ma garde robe serait immense et griffée des plus grandes marques, je n'aurais aucunement besoin de m'empêcher d'acheter de quoi alimenter ma bibliothèque vorace, mes biens ne seraient plus d'ordre sentimental mais matériel. Ah oui, surtout j'aurais pas besoin du Pôle Emploi. Dieu merci. Papa serait là. Et Papa me placerait directement à la tête de l'EPAD. C'est beau, la « monarchie élective ».

Tag(s) : #Actualités
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :