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 L'idée faisait fureur dans les années 70. La grande communauté soudée et solidaire, le partage et l'égalité, valeurs désuètes qu'une saloperie de crise pourrait bien remettre au goût du jour. Pour échapper à la solitude, à la maison de retraite et au temps qui sévit, l'idée germe dans la tête de Guy Bedos depuis quelques temps. « Et si on vivait tous ensemble ? » lance t-il à ses amis avec un regard d'une sincérité désarmante. Peu réceptifs à l'idée, ceux-ci s'y feront pourtant. Car l'idée est belle et nécessaire, comme ce joli film sans prétention mais prospecteur d'un joli instant de vie, le style d'instant qui manque au moment présent.

 

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La moyenne d'âge de la bande d'amis est estimée à 75 ans. À cet âge-là, on a pu trop le temps mais on le prend quand même. Du temps pour soi, poursuivre son activité de photographe comme Claude Rich, séducteur septuagénaire. Mais on a aussi du temps pour les autres comme Guy Bedos qui nous arrache une larme dès la scène d'ouverture en éternel gauchiste gueulard tentant de défendre des sans-papiers face à des « CRS SS » . Papy continue à faire de la résistance. D'entrée de jeu son rôle se confond avec ce qu'il est. Ce qu'il représente pour nous depuis toujours et on ne peut abandonner alors notre regard tendre. Et si on vivait tous ensemble ? provoquera sans aucun doute une tendresse infinie aux cœurs humanistes et encore plus aux cœurs cinéphiles. Sous ses dialogues et péripéties modestes, tour à tour amusantes et bouleversantes, se brouillent des sentiments immuables pour ces êtres de grand écran, les Jane Fonda, Claude Rich, Pierre Richard, Guy Bedos. Des êtres que la pellicule a glorifié au fil des décennies. Des sentiments aussi pour d'autres êtres auxquels ils nous font étrangement penser, mais aussi pour nous, petits vieux que nous serons dans quelques décennies. Avec une douceur de vivre et une lumière exquise jetée sur la vie, Et si on vivait tous ensemble ? aborde ces fameuses années aussi attendues que redoutées : la fin de vie. Un jour, elle débarque à l'improviste. Un cancer est détectée dans le corps toujours aussi sublime d'une Jane Fonda fougueuse, Alzheimer condamne peu à peu le plus beau distrait que le cinéma français ait connu : Pierre Richard, et Claude Rich, obsédé sexuel séducteur, frôle la crise cardiaque dans l'escalier qui le mène chez une prostituée. La joyeuse troupe aux secrets aussi vieux qu'elle, trouve cette étonnante et noble solution pour palier l'affreuse fin de vie : la vie en communauté.

 

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Cette dernière ne s'organise pas sans crise. Les individualités des uns et la vieillesse qui gagne les autres ne font pas forcément bon ménage ensemble, mais pourtant sous les heurts et les trahisons passées, pointe sans cesse l'amour de son prochain grâce à des scènes d'une sincérité touchante. Une des scènes les plus parlantes s'avère aussi la plus cruelle : l'arrivée impromptue d'une vieille femme égarée dans la chambre de Claude Rich à la maison de retraite alors que sa bande d'amis lui rend visite. Le malaise créee par cette femme, les yeux des personnes âgées sur ces autres personnes âgées mal en point, désorientés, premières victimes de l'affreuse fin de vie. Dans leurs mines décomposées s'injecte une universalité. Il y a de nous tous là-dedans, ce tiraillement entre compassion et rejet de cette personne en fin de vie. Comme la tragédie n'est jamais très loin de la comédie, le sourire du copain Bedos s'estompe pour se laisser gagner par l'horreur. L'horreur de voir son meilleur ami croupir dans ce monde où ni communauté, ni individualité n'existent, simplement une fin de vie conquérante. En deux trois mouvements, la joyeuse troupe arrache Claude Rich à cette « agréable » maison de retraite trouvé par un fils bienveillant, mi-victime mi-coupable. Sous cette fable sur l'amitié se dissimulent de vrais questionnements sur l'après. Sur ce monde qui sera tôt ou tard le nôtre : que fait-on de nos vieux semble nous dire cette admirable équipe encore bien jeune dans sa tête et dans son corps. On les oublie un peu trop vite par crainte qu'ils nous rappellent que tôt ou tard se sera notre tour. On les regarde de loin avec une tendresse infinie qui traduit notre affection pour eux, pour ceux qu'ils ont fait pour nous, ce qu'ils ont vécu. Une tendresse presque inavouable. Malgré quelques fausses notes dues à un scénario bien trop léger, cette communauté moderne nous convainc par la beauté de ses valeurs. Valeurs fragiles et courageuses qui tentent de subsister coûte que coûte dans un monde qui, hélas, s'en contrefout royalement.

 

 


 

Tag(s) : #Cinéma
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