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Claude Chabrol hante le cinéma français depuis des lustres. Depuis ces années 50, où la Nouvelle Vague a déferlé sur le cinéma français avec une force gigantesque, bousculant le classicisme d'un cinéma à papa coincé dans un monde bien trop étroit et conventionnel. Chabrol, monstre de cinéma et de cynisme, hante les plateaux de cinéma, caméra à la main il filme des histoires un brin bourgeoises, des histoires aux intrigues étranges, des histoires aux personnages inquiétants. Face à Chabrol, le spectateur est déstabilise, voire angoissé, se demande sans cesse quel plat va pouvoir nous servir ce drôle de type à l'humour exquis. Un Chabrol angoisse, fait rire puis après la séance, au fond de son lit bien au chaud, il nous fait réfléchir. Qu'est ce qu'il a encore bien vouloir pu nous dire celui-la?

Dédié aux deux Georges, ce nouveau Chabrol est un policier aux trompes l'œil exquis. Mais d'ailleurs qui sont ces deux Georges? Tout d'abord le grand Georges de la chanson française, Georges Brassens, ce dernier y joue un rôle majeur dans le scénario. Puis l'autre grand Georges, celui de la littérature policière, Georges Simenon qui semble avoir écrit l'intrigue avec Claude Chabrol. Chabrol a parfaitement mené la rencontre de monstres sacrés de la culture française au sens large du terme: Simenon, Brassens et Gérard Depardieu. Une rencontre explosive exposant les frustrations de chacun, les secrets enfouis des uns et des autres, la culpabilité d'un tel et le dégoût d'un autre... Malgré une histoire à dormir debout débutant sur un crime qui n'est finalement qu'un médiocre suicide, ce Chabrol resplendit par le jeu d'acteurs charismatiques. Après le parfait trio de La Jeune fille coupée en deux (Ludivine Sagnier, François Berléand et Benoit Magimel), Bellamy propose un quatuor intriguant mené par un Depardieu excellent  qui est accompagné d'un Clovis Cornillac,, diablement séduisant, et d'une Marie Bunel, objet de désir permanent. Si notre Gégé national tire son épingle du lot c'est tout d'abord pour une descendance plus que flagrante avec le commissaire Maigret. Comme lui, il ne respire que pour son métier, déteste les vacances et les voyages et ne peut s'empêcher de fouiner un peu partout. A ses côtés, sa femme (Marie Bunel) joue la coéquipière talentueuse, aimante et compréhensive, elle soutient cet homme fatigué et l'oriente vers des bonnes pistes. Survient alors Clovis Cornillac, un frère ennemi, alcoolique et peut être, qui sait, amant d'un jour de la femme du commissaire. Son arrivée bouleverse le théâtre chabrolien, son départ inattendu, autant pour les spectateurs que pour les personnages, chamboule et intrigue autant. Au centre de l'histoire de ces trois là, il y a l'histoire de trois autres, une histoire banale et maintes fois utilisée au cinéma: un mari, sa femme et bien évidemment sa maîtresse aux charmes vénéneux (Vahina Giocante). On notera la présence inattendu de la magnifique voix cassé d'Adrienne Pauly, qui rappelle étrangement les apparitions sur grand écran de Dany. Vendeuse chez Castorama, elle conseillera d'efficaces conseils au commissaire  ("Pas besoin d'un bois solide pour une étagère qui porterait des polars, c'est tellement léger les polars"). Les polars, genre léger et longtemps méprisé en littérature, viennent ici, une nouvelle fois, affirmer une thèse vieille comme le monde: nous sommes tous des assassins. Théorie martelée à multiples reprises par Bellamy à son suspect premier:nous sommes tous coupables, la seule différence étant le passage à l'acte pour certains. Mélangé le tout (grand casting, lenteur de la caméra, secrets de famille...) et cela vous donne un Chabrol à la hauteur, un Chabrol où résonnent tous les ingrédients du genre, un Chabrol lucide sur son temps et sur l'âme humaine.

Ce nouveau cru chabrolien se conclut sur une inutile sentence: "Il y a toujours une autre histoire, toujours plus que l'œil pourrait voir". Était-il nécessaire de rappeler cet règle chabrolienne par excellence, puisque l'œuvre du cinéaste repose entièrement sur ce que l'œil ne voit pas mais suppose, sur cette géniale capacité qu'offre son cinéma: la réflexion. Dans un Chabrol, rien est donné, tout est à construire ou à déconstruire. Filmant le démon qui est en chacun de nous, s'arrêtant lentement sur les détails d'une enquête menée par le spectateur, Chabrol produit un cinéma qui n'appartient qu'à lui. Même si, aujourd'hui, ce nouveau filme déçoit pour son intrigue peu efficace, elle séduit par sa majestueuse interprétation. Le césar serait ici, indéniablement, remis à un Depardieu magistral. Rodant, ici et là, le souffle haletant, épuisé par ce poids qu'il traine avec lui, l'œil vif et l'humour cynique, il nous rappelle qu'il est encore là, lui, le monstre, l'ogre de cinéma. Depardieu ou Bellamy, la confusion est subjugante, il endosse un rôle taillé sur mesure, hante l'espace comme jamais, en homme désenchanté et pris aux pièges de ses fantômes (l'alcool, la famille,...). A le voir, lui face à la caméra, et à imaginer Chabrol derrière, on se demande comment ces deux-là n'ont pas pu se rencontrer plutôt. Artistes identiques, aux désirs similaires, à la peur du vide commune. Ces deux là excelle face à la médiocrité du monde.


 


Tag(s) : #Cinéma
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