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Paris a troqué sa chaleur accablante pour un ciel gris et des températures capricieuses. C'est l'instant du caprice. Un temps à s'enfermer dans une salle obscure. A faire son cliché. Direction VI arrondissement. Dans la pénombre de L'Arlequin, la petite salle se remplit de vieux de la vieille et de jeunes innocentes. Tous présents pour un film pas d'aujourd'hui. Des spectateurs indécents discutent pendant les bande-annonces. Terroriste du silence au cinéma, je peste et je me demande si on était plus tolérant hier. Hier c'était quand des jeunes filles couraient dans les salles obscures pour voir un nouveau film avec Alain Delon. D'ailleurs est-ce qu'elles couraient réellement, est-ce qu'elles l'aimaient autant qu'on peut l'aimer naïvement aujourd'hui ? La caméra de René Clément en 1960 l'aimait, elle. Dès la première minute, elle n'a d'yeux que pour lui. Comment faire autrement à l'aube des années 60 ? Neuf ans plus tard, la caméra de Jacques Deray fera de même. A quelques années près, les rôles seront confiés à l'identique : Delon sera le beau brun ténébreux, pervers sublimement dissimulé, salopard irrésistible, assassin victime de ses coups de folie. Maurice Ronet, lui sera l'ami-ennemi, beauté standard de l'époque et naturellement séducteur dans toute sa splendeur. Mais dans ces deux duels au soleil, drames au suspens implacable, caméra et cœur de jeune fille battent à la chamade pour Delon, talentueux Monsieur Ripley exerçant en plein soleil ses talents d'usurpateur.

 

Ces yeux rivés à l'écran et ces soubresauts dans le fauteuil rouge on les doit à Madame Clément. Initialement, le rôle du riche américain venu chercher liberté et légèreté auprès de Roma la bella, Philippe (interprété par Maurice Ronet), était prévu pour le jeune premier de l'époque. Madame Clément réussit à mettre dans la tête de son génie de mari que Delon était plus Tom que Philippe, plus jaloux que moqueur, plus mystérieux que oisif. Gloire à elle. Ce thriller aussi sexy et terrorisant qu'un film de ce bon vieux Hitchcock n'en sera que plus réussi.

 

Dans ce duel au soleil, adapté du roman de Patricia Higsmith, Le Talentieux Monsieur Ripley, la vedette c'est lui. Pas Ronet, de neuf son aîné. La vedette c'est le salopard pour lequel on tremble à chaque instant. Dans une barque perdue en pleine mer. Lors d'un meurtre commis de sang-froid. Dans un bateau fou. Dans chacune de ses manœuvres les plus folles pour ne pas que son crime soit découvert. Et ce jusqu'au dernier plan. Dans ce transat, le torse du mâle bombé victorieux réclamant « le meilleur » quand le pire – le corps de l'ami Ronet vient d'être retrouvé – ne se montrera pas par élégance à l'écran. Touché par la grâce, comme elle doit en toucher un une fois tous les cinquante ans, l'acteur Delon doit être le premier salopard d'un nouveau genre que les filles ont aimé sur grand écran. Le salopard sans parole. Quand Ronet frime. Delon observe faisant de ses yeux félins sa machine à convaincre tous les protagonistes. Et des générations entières. Le voleur d'identité meurtrier méritant plus d'affection que le cadavre de l'ami frimeur.

 

Salopard en retrait a la sensualité exacerbée à chaque plan, ce talentueux Monsieur Ripley sera à l'image du Delon tant aimé celui appartenant à la race des seigneurs. La présence instinctive, la suggestion du corps et du regard, une gueule fermée mais une mâchoire qui en dit tant, ingrédients tonitruants pour cocktail détonant sur grand écran, pour bombe à retardement. Nos regards épris depuis des lustres l'ont vu et revu. Ont rêvassé devant Christine, sourit devant Les Félins, tant aimé Quelle joie de vivre, vibré devant La Piscine. Et pourtant ils ne cessent de répéter à chaque fin d'un film, au cas où on l'oublierait : Delon est grand. Le grand Delon celui du Samouraï et de Monsieur Klein. L'expert des duels au soleil, le plus beaux des types en marge, l'acteur qui ne joue pas la comédie. Celui "que l'on suivrait même en enfer".

Alain Delon, expert des duels au soleil

Plein Soleil, la bande-annonce

Tag(s) : #Cinéma, #Alain Delon, #Plein Soleil, #René Clément, #Marie Laforêt, #Maurice Ronet
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