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J'aime bien le nom Thérèse, par affection sûrement. Thérèse c'est toutes les filles à la fois. C'est une sainte, c'est ta grand-mère, c'est le surnom d'une de tes copines ou le tien et c'est surtout pour toujours Anémone dans ce film culte, collier en perle autour du cou et jupe plissée tirée à quatre épingles écoutant des choses pas très catholiques se dirent au téléphone. Thérèse c'est toutes les filles à la fois désireuses de décoller leur image. Les endormies et les réveillées. Et les endormies qui se réveillent un beau jour. La Thérèse dont je veux te parler ce soir c'est la Thérèse, disparue en février dernier mais célébrée à Cannes il y a quelques jours par une récompense méconnue de la grande messe annuelle du cinéma : La Queer Palm, qui récompense chaque année le film du Festival de Cannes traitant le mieux de l'homosexualité. C'est donc une Thérèse ou plusieurs qui a été récompensée à travers ce prix remis à Sébastien Lifshitz, réalisateur du documentaire Les Vies de Thérèse, dédié à Thérèse Clerc, figure du féminisme hexagonale. Cette Thérèse dont la vie a débuté sûrement comme beaucoup de Thérèse, une vie sagement toute tracée. En ce temps-là, celui des Thérèse, les parents n'en avaient que faire d'avoir une ravissante petite idiote comme fille du moment qu'il était facile de lui mettre la bague au doigt. Coup de foudre imposé par la société qui veut qu'on trouve conjoint dès qu'on est en âge de quitter le premier homme de sa vie, comprenez le père, notre Thérèse en question trouve facilement mari. Connaît ensuite la grossesse, puis grossesse puis grossesse et enfin grossesse de nouveau. Reléguée au foyer, elle est aimée, choyée certainement comme le veut l'époque par de l'électroménager, mais ne connaît pas l'extrême jouissance, celle de la liberté. Un jour, elle entend parler égalité et lutte des classes, mais elle, elle pense de suite égalité des sexes et lutte pour la liberté du deuxième sexe. Puis un jour, la Thérèse desperate housewife version sixties se réveille et embrasse la vie, embrase sa vie, et prend ce qu'on lui refuse depuis l'enfance : la liberté de choisir sa vie. Elle prend donc ses cliques et ses claques et quitte le domicile conjugual. Nous sommes en 1968, avant goût d'une année érotique. La Thérèse bourgeoise sage choisit l'autre camp. Celui-là même qu'on commence soigneusement à dessiner pour les femmes par des femmes désireuses d'en découdre avec la société patriarcale. Grosso modo, ces femmes-là luttent pour qu'elles et leurs héritières puissent arrêter de risquer leur vie avec une aiguille à tricoter, quitter les fourneaux pour les bancs de l'école ou celui du travail et prendre une pilule qui leur permettrait mille folies et moins de bébés surtout.

 

Notre Thérèse à nous est de toutes les causes à une époque où les filles causaient pas mal dans le vide pour obtenir ce qui semble si naturel aux filles d'aujourd'hui. Plus tard, une autre Thérèse naîtra dans la même veine que la précédente. Celle-ci est plus âgée, plus libérée encore et continue à porter ses combats avec un regard aiguisé. Le dernier mené est celui pour le troisième âge, cette nouvelle vie offerte et compliquée à la fois pour les femmes toujours. Son dernier combat à Thérèse c'est l'art du bien vieillir ensemble dans une une maison de retraite autogérée, inventée par et pour les femmes. Cette nouvelle vie tant désirée par Thérèse s'organise à Montreuil avec la création de la maison des « Babayagas » (nom des sorcières dans les légendes russes). Point de sorcières dans cette maison pas comme les autres, juste des dames soucieuses de vivre de façon solidaire et citoyenne. En vérité, cette maison ce n'est pas le dernier combat de Thérèse. Le dernier, c'est la maladie. C'est le point d'ancrage du documentaire réalisé et récompensé, la maladie de Thérèse. La triste excuse pour revenir sur sa vie de battante. « Du combat pour l’avortement à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes en passant par les luttes homosexuelles, elle a été de toutes les batailles ». On ne dira pas mieux de cette femme qui s'est réveillée et qui enseigna toute sa vie aux filles, qui mis sa vie au service des filles même, pour leur dire qu'il n'est jamais trop tard pour se réveiller du songe patriarcal. A la fin de sa vie, Thérèse apprendra donc qu'elle est atteinte d’une maladie incurable et décidera de jeter un dernier regard tendre et lucide sur ce que fut sa vie entre combat et amour. Entre images d'archives féministes, scènes du quotidien de la personne âgée malade, échanges vifs et pétillants avec sa progéniture, Les vies de Thérèse dresse le portrait d'une femme qui aura essayé d'être toutes les femmes. Une fille sage devenue figure féministe, une fille hétéro devenue grand-mère lesbienne, une femme au foyer devenue femme créatrice d'un foyer pour femmes âgées. Bref, une Thérèse qui mérite un documentaire, un prix et une reconnaissance éternelle pour avoir su se mêler des choses intolérables de la vie avec autant de passion.

Toutes les filles auraient pu s'appeler Thérèse
Tag(s) : #Cinéma, #Festival de Cannes, #Thérèse Clerc, #Les vies de thérèse, #documentaire, #féminisme, #Babayaga, #Histoires et pensées du Deuxième Sexe
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