Et si on commençait par un mauvais jeu de mot. C'était « divin ». Divin parce que incroyablement vivant alors qu'on cherche à tuer ce qui est le sujet de ce film. Mais c'est quoi le sujet d'ailleurs ? La banlieue, la femme, la société libérale, la pauvreté, l'immigration ? Un peu de tout ça. Surtout de tout ça. De ce cocktail explosif, de cette injustice permanente pour les uns créée par les autres, de cette machine infernale, cercle vicieux semblant sans fin, de ce qui a tout moment peu déchaîner les foudres des commentateurs. Il y a tellement de commentaires à faire sur ce film « divin », tellement d'écueils à éviter aussi en commentant. « Divine a du clito », c'est le premier écueil et on y tombe avec consentement. On se le répète en boucle ce petit mot balancé par Houda Benyamina à Cannes devant un parterre de convaincus et de sceptiques coincés. Clito, clito, clito. On dit d'une meuf qu'elle a des couilles. Il m'arrive même de dire je m'en bats les couilles. Mais jamais moi ou d'autres ne causent, jurent clito. Jamais le clito ne s'impose. Jamais on ne dira « il ou elle a du clito ». Aussi le premier mérite de divine est de le réhabiliter ce beau mot que pas grand monde n'est capable de placer sur la carte de l'anatomie féminine. Le clito dans Divines on le retrouve dans la bouche de la dealeuse qui félicite sa nouvelle recrue par un jouissif et encourageant « j'aime bien, t'as du clito » équivalent faut-il le préciser du classique « j'aime bien t'as des couilles ». En une réplique, les codes classiques sont dégommés. Et ça suffirait presque pour nous emballer.
Cette réalisatrice, ces deux actrices (Uda Benyamina et Deborah Lukumuena) avec lesquelles on rit de si bon cœur et chiale à n'en plus finir, ces clitos vengeurs, animés, inspirés, follement électriques braquent ensemble l'inégalité verbale et imposent leur franc-parler, réparent une injustice et réhabilitent l'égalité. Ensemble, elles comblent le cinéphile en attente d'un propos politique et inspiré dans le cinéma français. Ce propos gueulard qui ne sera pas du goût des cinéphiles qui apprécient le silence et les poses. Pour eux, il faudra repasser (et apprendre que élever le ton, mettre des coups n'est pas forcément synonyme de vulgarité). Dans Divines le propos social ou politique sert la technique cinématographique constamment. La forme baise enfin avec le fond pour faire naître des scènes marquantes (une balade improvisée, mimée en Ferrari fantasmée dans les rues de Phuket en bas des blocs de béton par exemple). Cet équilibre entre propos social et politique et proposition de cinéma place très vite Divines en tête de course devant les autres films catalogués à cet espace urbain. La réalisatrice accompagnée de sa bande d'actrices divines déglinguent les clichés qui traînent en bas des barres de béton en même temps qu'elles les assument en cœur, en riant fort à des blagues hilarantes ou en hurlant de rage face à des réalités effarantes. La fin est stupéfiante, elle annonce ou confirme, une tragédie qui ne connaît pas de fin que cet éternel cercle vicieux. Bluffant de sincérité, Divines est à classer dans la rangée des films coup de poing, qui vous mitraille des répliques et des scènes qui ne sont pas prêtes de quitter aussi bien la sphère cinéphilique de votre cerveau que la sphère concernée par un monde qui court à sa perte. Un autre film coup de poing ne disait-il pas d'ailleurs l'important ce n'est pas la chute mais l’atterrissage ?