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Trois semaines sans s'enfermer dans une salle obscure. Il fallait bien trois souvenirs d'une jeunesse mythique pour réparer cette infamie. Trois souvenirs de garçons qui finissent tous par se confondre tellement on les imagine proches, quasi frères jumeaux : Paul Dédalus, Mathieu Amalric, Arnaud Desplechin. Comme jadis l'autre génération pouvaient confondre Antoine Doinel, Jean-Pierre Léaud et François Truffaut. Qu'il est énervant ce souvenir gravé dans le marbre de la Nouvelle Vague. Et pourtant, notre sujet en question (Paul Dédalus) est un héritier direct, aussi amoureux fiévreux, littéraire, compliqué, exaspérant que notre idéal de cinéma. Ceux qui n'ont pas eu la chance de grandir en suivant la saga Antoine Doinel dans les sixties se rattrapent, se consolent avec Paul Dédalus. Quelle infamie de revenir toujours à Truffaut, ses 400 coups et ses baisers volés. Et pourtant impossible de faire autrement...

Trois souvenirs de Paul Dédalus

Paul Dédalus, Paul Dédalus, Paul Dédalus, drôle de nom pour un drôle d'oiseau de cinéma qui se disputait sa vie sexuelle avec d'autres en 1996, et surtout avec Esther son amoureuse qu'il quitte mais n'oublie pas - tiens encore les salades de l'amour à la Doinel. Dédalus-Desplechin voulu donner un prequel à cette histoire de trentenaires qui marqua une génération et fit fantasmer la suivante – dis c'est quand le prochain héros de cette trempe ? Retour aux sources donc, comme une histoire de super héros à l'américaine. Sauf que le super héros à la française au cinéma il est plutôt du genre dandy cynique et réaliste tendance romantique. L'enfance et l'adolescence décryptées du héros, parfaite idée de scénario pour les admirateurs, meilleure qu'une suite : le flash back ,le retour aux origines. Ne pouvant rajeunir roi Amalric, il fallu lui trouver une copie conforme enfantine et une adolescente. Des copies inconnues au bataillon du cinéma français évidemment – bonne idée ! Antoine Bui sera le gamin orphelin d'une mère dépressive et d'un père absent. Quentin Dolmaire sera l’irrésistible étudiant en anthropologie, idéaliste à sa manière et fou d'Esther (Lou Roy Lecollinet). La jeunesse en force laisse le soin à Dédalus/Amalric de démarrer le film au Tadjikistan et de le boucler à Paris. Entre temps, l'histoire se fractionne à merveille et livre aux admirateurs du héros des intrigues plutôt dingues. Intrigue glaçante à la Hitchcok dans une vieille maison bourgeoise de Roubaix. Intrigue politique dans la Russie des années 80 (à l'époque encore URSS). Intrigue romantique où les jeux de l'amour et du hasard brisent les amitiés mais pas l'amour.

 

Si les deux premières distraient les spectateurs, la dernière a ce goût de Paul Dédalus dirait son Esther mutine en l'embrassant au cœur du lit parental. Un goût acide et lucide. On envie tout de cette dernière partie. La clope au bec partout. Les boums dans la maison bourgeoise. Les coucheries. La complicité éclatante avant les coucheries tromperies. La fureur de l'amour enfin et les mots qui s'y accolent. Car chez Desplechin le héros a, comme il le précise à sa proie, « beaucoup d'admiration pour les dragueurs ». Nous, c'est pour lui qu'on a de l'admiration. Sa façon de la regarder, de la décrypter et de la dompter peut-être. Desplechin ne filme pas seulement au plus près les visages de ce jeu amoureux qui a marqué le cinéma français, qui lui fait poursuivre sa parfaite ligne de conduite débutée sous les amours d'Antoine et Colette. Il capte les mots en action, offre une partition ciselée, amusée et vivifiante à de jeunes acteurs lumineux. Quand certains font un cinéma d'auteur qui économise les mots, Desplechin les place au centre du jeu, il détermine le charme des personnages, l'intrigue, le plan. Dans la bouche de Paul plus que quiconque, ils traduisent son exigence à refuser constamment la médiocrité de ses contemporains... et d'Esther, femme infâme, belle de jour et charmant petit monstre réunis. Jamais l'Esther d'aujourd'hui (Emmanuelle Devos) n’apparaît et pourtant elle est de ce dernier plan. Là encore dans les mots du héros. Cette « pute incertaine qui vacille » n'est plus de la pellicule mais la fureur qu'elle engendre fait éternellement acte de présence. Ces trois – beaux - souvenirs d'une jeunesse ne sont pas ceux d'un vieux schnock habité par les regrets ou la nostalgie. Mais d'une certitude à aimer de nouveau et autant, Esther certainement. L'amour n'a pas fui. Il est resté tapi dans l'ombre de Paul Dédalus pendant ces vingt dernières années. Rendez-vous dans vingt ans donc.

Avant : Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle)

Après : Trois souvenirs de ma jeunesse

Tag(s) : #Cinéma, #Trois souvenirs de ma jeunesse, #Paul Dédalus, #Mathieu Amalric, #Cannes
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