Habituée des textes engagés, des chansons incisives en phase avec un temps qui ne tourne pas très rond, Jeanne Cherhal affirme aujourd'hui son soutien aux Pussy Riot en chanson. Rappel des faits. Le 17 août dernier, Maria Alekhina, Nadejda Tolokonnikoca et Ekaterina Samoutsevitch, trois « chattes en colères » ont été condamnées à deux ans de prison dans la Russie despotique du tout puissant Poutine. Au cœur de l'hiver 2012, les punkettes vêtues de cagoules fluorescentes et leggings colorés envahissent la cathédrale du Christ Saint-Sauveur à Moscou pour livrer une curieuse prière à la toute puissante sainte-Vierge. La prière s'intitule « Sainte-Marie Mère de Dieu, chasse Poutine ». Au pays des libertés fantômes, la prière-critique punkette n'a pas la cote et la Sainte-Vierge demeure sourde aux appels des Pussy. La condamnation sera sa seule réponse semble t-il.
Depuis cette condamnation surréaliste, les soutiens affluent du monde entier. Anonymes, politiques & artistes se sont trouvées (enfin) une cause commune : sauvez trois pasionarias modernes de l'enfer russe. Aujourd'hui c'est au tour de Jeanne Cherhal de participer à son niveau à la noble cause. Une chanson postée sur Facebook et le tour est joué. L'air au piano est discret, les paroles, elles, rendent véritablement hommage à nos « sœurs cagoulées de rose ». On y retrouve toute la force évocatrice de la veine militante de la parolière. Les mots sont justes, témoignent d'une vérité de l'époque : le geste des Pussy Riot est de ceux qui comptent. Ceux qui peuvent ébranler un pouvoir en peu de temps si ils sont suivis par cette masse que le pouvoir souhaite justement faire taire.
Dans ce texte, entre rage et émotion, l'artiste chante les louanges « des excédées, des excitées, des assoiffées de liberté », celles qui se soulèvent pour gagner leur liberté et celle des autres. Poème au vitriol, sexy et à juste dose brut, Tant qu'il y aura des Pussy préfère apercevoir l'espoir des luttes à venir plutôt que les visages de ces trois femmes enfermées dans un goulag des temps modernes. Un jolie prière, lancée sur la Toile, où Jeanne Cherhal prie pour les Pussy Riot « avec le cœur, la chatte, la tête et le majeur »... et une plume engagée.
Tant qu'il y aura des Pussy de Jeanne Cherhal
A lire sur Les Inrocks le texte écrit par Maria Alekhina, Pussy Riot qui a fait lire à son avocate pendant son procès un texte. Une belle définition de la liberté.
Extrait :
« Je tiens à remarquer que les mêmes termes ont été employés lors du procès du poète Brodsky. Ses vers étaient désignés comme des « soi-disant » vers, mais les témoins ne les avaient pas lus. Comme une partie des témoins de notre procès, qui n’étaient pas présents lors de notre action, mais qui ont regardé le clip sur Internet. Il est probable que nos excuses soient également présentées par l’esprit généralisateur de l’accusation comme « soi-disant ». C’est une insulte. C’est un préjudice moral. C’est un traumatisme. Parce que nos excuses étaient sincères. Vous n’imaginez pas à quel point je regrette que tant de paroles aient été prononcées et que vous n’ayez toujours rien compris. Ou alors vous rusez, quand vous dites que nos excuses n’étaient pas sincères. Je ne comprends pas ce que vous voudriez encore entendre. Pour moi, c’est ce procès qui est un soi-disant procès.
Et je n’ai pas peur de vous. Je n’ai pas peur du mensonge, je n’ai pas peur de la fiction, je n’ai pas peur de cette mystification mal fagotée, je n’ai pas peur du verdict de ce soi-disant tribunal. Parce que vous ne pouvez me priver que d’une soi-disant liberté. C’est la seule qui existe sur le territoire de la Fédération de Russie. Ma liberté intérieure, personne ne pourra me l’enlever.
Elle vit dans le verbe, elle continuera à vivre quand elle parlera grâce aux milliers de gens qui l’écouteront. Cette liberté continue dans chaque personne qui n’est pas indifférente et qui nous entendent dans ce pays. Dans tous ceux qui ont trouvé en eux les éclats de ces processus, comme autrefois Franz Kafka et Guy Debord. Je crois, que c’est justement l’honnêteté et la puissance de la parole, et la soif de vérité qui nous rendront tous un peu plus libres. Cela, nous le verrons. »